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lundi 4 juillet 2011

Entre les lignes...

Pour un peu, on pourrait presque croire que Dominique Strauss-Kahn le fait exprès. Ses aventures d'outre-Atlantique ont en effet tellement fait couler d'encre dans les médias français qu'elles les ont empêchés de remarquer que les grandes lignes du 21ème siècle sont en train de se mettre en place ailleurs que dans les Sofitels new-yorkais.

Prenez son arrestation le 14 mai, par exemple. La date est infortunée : elle a rendu la plupart des quotidiens français aveugles à la publication le 13 mai par Wikileaks de câbles diplomatiques secrets échangés entre les différents pays circumpolaires. C'est dommage, car ces derniers mettaient clairement en avant les tensions territoriales actuelles et à venir sur un Arctique en cours de réchauffement. Ils insistaient notamment sur les revendications danoises sur le Pôle nord, ainsi que sur les opportunités d'exploitation géologiques qui s'ouvriraient aux Américains en cas d' indépendance du Groenland. Par ailleurs, ils indiquaient le désir des Américains et des Russes de ne pas voir l'OTAN se mêler à la discussion sur l'Arctique.

On ne peut malheureusement pas s'étonner que des informations de ce type aient été jugées moins prioritaires que les frasques sexuelles putatives d'un éventuel candidat à la présidentielle. Toutefois, on aurait pu être en droit d'espérer que les médias français parviennent à rapporter l'annonce lourde de signification de Vladimir Poutine le 2 juillet d'un envoi de troupes d'élite en Arctique, une information qui a fait les choux gras de la presse scandinave. Mais voilà : le 2 juillet, c'était aussi la date du deuxième rebondissement DSK... La potentielle guerre pour le pétrole de l'Arctique pouvait bien attendre.

mardi 29 mars 2011

Pourquoi je n'aime pas les prospectus

A tous ceux qui, comme moi, espèrent secrètement recevoir autre chose que des factures et des prospectus lors de l'ouverture quotidienne de leur boîte aux lettres, je tiens à adresser ce message d'espoir : il arrive aussi de recevoir du courrier décalé.

C'est du moins la conclusion à laquelle je suis arrivée après avoir parcouru avec une perplexité grandissante le prospectus envoyé gracieusement à mon domicile par la campagne "j'aime mon prospectus", téléchargeable pour les curieux en cliquant ici.

Du papier à la publicité...
Je ne vais pas faire durer le suspense plus longtemps : "j'aime mon prospectus" m'écrit pour m'expliquer pourquoi le prospectus est indispensable à ma vie quotidienne. Jusque là, tout est très logique : avec un nom pareil, il était improbable que cette campagne vise à me convaincre de la nécessité de parrainer d'urgence le panda géant, menacé d'extinction. Non, là où les choses glissent insensiblement dans le surréalisme, c'est que "j'aime mon prospectus" a axé sa communication sur le fait que "nous serions drôlement mal partis dans un monde sans papier, le produit vert par excellence". Et là, je m'excuse, mais je ne vois pas le rapport.

Que le papier soit indispensable à notre vie quotidienne, soit. Qu'il soit un produit vert, ça se discute... Et quoi qu'il en soit, cela n'absout en rien la marée de prospectus reçue presque quotidiennement par le citoyen lambda. Car à mon sens, le gros problème du prospectus, ce n'est pas tellement le fait qu'il soit fabriqué à partir de papier (encore heureux, il ne manquerait plus qu'il soit en plastique!), c'est le fait qu'il soit l'instrument d'une consommation excessive, délétère pour l'environnement et le porte-monnaie.

... ou l'escalade de la production de déchets
D'après "j'aime mon prospectus", 65% des gens ayant reçu un prospectus procèdent à un achat qui y est lié. Cette affirmation m'a laissée pensive. Je constate en effet que la majorité des prospectus que je reçois concernent des produits alimentaires. Or, ces derniers font partie des produits pour lesquels les consommateurs sont captifs ; il est bien évident que les gens continueront de se nourrir, quelque soit la conjoncture économique. On peut donc s'interroger sur la nécessité de promouvoir les achats de nourriture, surtout quand on sait que dans les pays développés, cette dernière finit en moyenne pour 30% à 40% directement dans la poubelle. N'aurait-il pas été plus honnête de faire remarquer que les prospectus favorisent les achats compulsifs de produits qui ne seront jamais mangés ou utilisés et génèrent en conséquence des déchets très importants ?

Je m'en vais de ce pas coller une étiquette "pas de publicité" sur ma boîte aux lettres.

jeudi 24 mars 2011

La phrase... d'un poète

"L'homme a survécu jusqu'ici parce qu'il était trop ignorant pour pouvoir réaliser ses désirs.
Maintenant qu'il peut les réaliser, il doit soit les changer, soit périr."

William Carlos Williams, médecin et poète américain (1883-1963)

La version originale de cette phrase se trouve ici.

vendredi 25 février 2011

La phrase... d'un spécialiste des chauves-souris

"Ce fut une horrible révélation. Je pensais que les chauves-souris s'accommoderaient de la chaleur. J'avais tort."

Comme il l'a récemment indiqué à New Scientist, le Dr. Justin Welbergen n'est pas près d'oublier le 12 janvier 2002. Ce jour là, vers 13h50, il s'est mis à pleuvoir des chauves-souris dans le parc de Nouvelle Galles du Sud (Australie) où l'aspirant docteur observait une colonie de renards volants noirs (Pteropus alecto). En 10 à 20 minutes, 3 500 cadavres étaient éparpillés sur le sol. La température atteignait alors 42,9 °C.

L'évènement, décrit en détail dans un article du prestigieux journal Proceedings of the Royal Society B, fait à ce jour partie des plus importants épisodes de mort collective naturelle jamais enregistrés chez un mammifère. Il est toutefois loin d'être unique : depuis 1994, il est estimé que la chaleur a coûté la vie à plus de 30 000 renards volants en Australie. Faute de relevés détaillés, il est difficile d'affirmer avec certitude que ce chiffre est en augmentation par rapport au passé. Toutefois, la hausse observée des températures sur l'île-continent (environ +0,17°C par décade), la fréquence accrue d'extrêmes thermiques et le déplacement d'au moins 750 km vers le sud de P. alecto au cours des 75 dernières années, tendraient tous à indiquer que c'est probablement le cas.

Ce n'est pas une bonne nouvelle. Comme la grande majorité des espèces tropicales, P. alecto a en effet évolué jusqu'à récemment dans un environnement marqué par des températures très stables. Ses mécanismes de défense face à l'hyperthermie sont donc restreints, et ce d'autant plus que la majorité des grandes zones tropicales (Australie, Amazonie, bassin du Congo) sont également des zones plates, offrant peu d'échappatoires à leur très nombreux habitants en cas de températures excessives. La biodiversité de ces régions est déjà soumise à des pressions très fortes. Or, nous en en avons impérativement besoin pour faire face aux défis du 21ème siècle. Il nous faut donc souhaiter que l'épisode du 12 janvier 2002 en Nouvelles Galles du Sud n'est pas le signe annonciateur d'un phénomène de grande ampleur... et s'atteler sérieusement à la réduction de nos émissions pour éviter qu'il ne le devienne.

Image : une colonie de Pteropus alecto. Auteur : Justin Welbergen.

jeudi 17 février 2011

Petite histoire de chauffage...

Chaque hiver, la même question existentielle revient me tarauder : chauffer ou ne pas chauffer ? Evidemment, quand il fait -10°C dehors, la solution paraît assez évidente. Mais qu'en est-il quand il fait 17°C à l'intérieur ? Faut-il alors lancer le chauffage ???

Je ne vous infligerai pas à nouveau la classique litanie sur le fait que les dépenses énergétiques liées au chauffage augmentent fortement pour chaque degré gagné en température intérieure, vous avez certainement bien d'autres occasions de l'entendre. En revanche, permettez moi de vous signaler l'existence d'une récente étude, publiée dans le journal scientifique Obesity Review. Selon cette dernière, la hausse de la température moyenne des maisons aux Etats-Unis (qui est passée de 19,3°C en 1987 à 20,2°C en 2005) pourrait bien avoir favorisé l'aggravation de l'épidémie d'obésité qui sévit dans ce pays. En effet, la baisse des dépenses énergétiques qui résulte d'un chauffage accru des maisons limiterait la présence de tissu adipeux brun ( impliqué dans la thermorégulation de l'organisme), et le peu qui resterait serait de surcroît moins efficace. C'est bien dommage, car pour exercer son office de radiateur intégré, ce dernier prélève abondamment dans la graisse classique - nos fameuses petites poignées d'amour...

Quand on sait qu'en moyenne, un bébé Américain né en 2010 peut espérer vivre 3 ans de moins qu'un Français né la même année et 4 ans de moins qu'un Japonais, et que 20% à 30% de cette différence serait liée au surpoids, on ne peut pas s'empêcher de conclure que chauffer ou ne pas chauffer, telle est bel et bien la question !

mardi 1 février 2011

Petite pause...

La naissance d’un petit bout me tient temporairement éloignée des claviers d'ordinateur, mais je ne vous oublie pas ! Je reviens dès que possible…

mardi 28 décembre 2010

Devenez vert, adoptez un volcan


Puisque l'heure est au bilan de l'année 2010, je propose une courte période de silence pour célébrer la leçon offerte par le volcan islandais Eyjafjallajökull. Un volcan vaut parfois mieux que toutes les conférences internationales ; certes, ses émissions de CO2 ont été importantes - elles ont été estimées entre 150 à 300 000 tonnes par jour durant la période de son éruption -, mais les émissions des avions qui n'ont pas pu décoller l'auraient été encore plus , puisqu'elles auraient excédé ce niveau d'au moins 40 000 tonnes par jour. Je me demande si l'Islande va pouvoir vendre des crédits carbone rétroactifs ?

mercredi 22 décembre 2010

Polluer plus pour gagner plus : le scandale du HFC-23

La semaine dernière, l'ONU a attribué 2 millions de crédits carbone à une société chinoise appelée Juhua.

A ma connaissance, la nouvelle n'a pas fait la une des médias. Ce n'est sans doute pas surprenant, car il s'agit à première vue d'un évènement banal dans le cadre du Mécanisme de Développement Propre (MDP pour les intimes) du Protocole de Kyoto. Le MDP vise à permettre à des entreprises de pays développés de financer des projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des pays en développement. En contrepartie de ce financement, les entreprises du nord reçoivent des crédits carbone, qui leur permettent de faire face à une partie des objectifs de réduction qui leur ont été fixés dans le cadre du Protocole de Kyoto.

Quand ce système a été mis en place, il a suscité quelques réserves. Même pour un esprit non rompu aux subtilités du monde de la finance, le risque de dérives fâcheuses était en effet clair. C'est pourquoi les législateurs de Kyoto ont décidé la création d'une entité chargée de valider systématiquement les projets qui peuvent donner lieu à une transaction de crédits carbone. Il a ainsi été stipulé que les projets retenus devaient apporter une vraie valeur ajoutée, c'est à dire qu'ils n'auraient pas eu lieu sans le financement des crédits carbone et ont un impact sur le long terme.

Mais revenons-en à Juhua. Sur le papier, les crédits qui lui ont récemment été attribués correspondent tout à fait aux exigences du MDP. Il s'agit en effet de détruire le sous-produit d'un gaz utilisé dans la fabrication de certains systèmes de réfrigération, qui répond au doux nom de HFC-23. On ne rigole pas avec le HFC-23 : son potentiel de réchauffement global est estimé à 11 700. Ceci revient à dire que rejeter une tonne de ce composé dans l'atmosphère équivaut à l'émission de 11 700 tonnes de CO2. Ceci revient aussi à dire qu'il faut 11 700 crédits carbone pour compenser la destruction d'une tonne de ce produit. Un seul projet HFC-23 permet donc aux entreprises partenaires du nord de compenser beaucoup plus rapidement leurs émissions que si elles finançaient par exemple la capture du carbone d'une centrale à charbon.

C'est là que le bât blesse. Car le coût de destruction d'une tonne de HFC-23 est minime par rapport aux bénéfices liés au commerce de crédits carbone ; certains estiment qu'il est 100 fois inférieur. Ceci encourage les quelques industriels concernés à augmenter leur production de ce sous-produit pour pouvoir revendre des crédits. En 2006, ce trafic a été dénoncé par le New York Times. Depuis cette date, le malaise plane, au point que l'Union Européenne a récemment annoncé qu'elle souhaitait le retrait de la possibilité d'engranger des crédits par le biais du HFC-23. Cette demande a été fort mal reçue par la Chine, qui abrite 11 des 19 projets HFC-23 du monde. Il faut dire que la manne financière est importante pour le gouvernement du pays, qui taxe à 65% les bénéfices engrangés dans le cadre du MDP. Dans ces conditions, il ne faut sans doute pas trop s'étonner de la réaction des officiels chinois, qui ont annoncé qu'à leur grand regret, une telle décision obligeraient les usines concernées à rejeter le gaz dans l'atmosphère...

Si l'on ne peut vraiment être surpris que le gouvernement chinois se batte pour conserver une ressource annuelle estimée à 650 millions d'euros, on peut en revanche s'étonner de la décision subséquente de l'ONU d'attribuer 2 millions de crédits carbone à Juhua. Serions-nous rentrés à pas feutrés dans une nouvelle composante du bio-terrorisme?

dimanche 21 novembre 2010

Ce solaire qui pourrait entraîner la nuit

Si j'en crois différents articles parus récemment dans la presse européenne, tout n'est pas rose dans le monde de l'énergie solaire. C'est que la subvention massive des énergies renouvelables a fini par entraîner une telle explosion des poses de panneaux photovoltaïques que l'inquiétude commence à poindre : et si cette nouvelle offre électrique, par définition fluctuante en fonction des heures et des saisons, finissait par saturer le réseau électrique européen au point de provoquer des blackout ?

La question est particulièrement prégnante en Allemagne, où le directeur de l'Agence allemande pour l'énergie (la DENA) tirait récemment la sonnette d'alarme dans le Berliner Zeitung ; au rythme actuel de pose des panneaux solaires et durant une belle journée d'été, le pays pourrait se retrouver avec une offre solaire de pratiquement 30 gigawatts d'ici la fin de l'année 2011. Ceci correspond à l'intégralité de la demande du pays lors d'un weekend. Il sera alors nécessaire de stopper toutes les centrales thermiques allemandes pour éviter une surcharge du réseau - ce qui se traduira immanquablement par de gros problèmes logistiques. En 2013, l'offre solaire pourrait atteindre 50 gigawatts, ce qui dépasserait largement les capacités du réseau électrique allemand. Il est donc urgent de freiner le développement du solaire, estime la DENA, histoire de prendre le temps de s'adapter à cette nouvelle offre... sans que le réseau électrique ne se transforme en barbecue les jours d'été.

mercredi 27 octobre 2010

La Vie, cette grande farceuse

Amis lecteurs de France, vous êtes des chanceux. En cette période de grève, il vous est en effet possible de profiter pleinement du temps perdu dans les transports pour méditer. Si la réforme des retraites ou l'achat du cadeau de Noël de votre belle-mère vous semblent des sujets trop déprimants, il vous reste toujours la possibilité de vous élever à des considérations plus géologiques, de nature à confirmer que la vie sur Terre est tout sauf un long fleuve tranquille.

La photosynthèse : une arme de destruction massive
Prenons la situation il y 2,3 milliards d'années par exemple. A cette époque, notre planète est marquée par un gigantesque épisode de glaciation, d'une intensité exceptionnelle : les océans sont intégralement gelés. Autant dire que les perspectives d'avenir ne sont pas folichonnes pour les organismes vivants du moment. Il semble pourtant que ces derniers soient au moins en partie responsables de la situation. Environ 200 millions d'années auparavant, leurs lointains ancêtres, des microorganismes appelés cyanobactéries, ont en effet mis en place un procédé révolutionnaire de stockage de l'énergie : la photosynthèse. Le nouveau système est fort ingénieux. Il permet en effet de fabriquer des briques utiles pour la vie (les sucres) en utilisant des ingrédients présents en abondance, à savoir la lumière solaire et le CO2 qui s'est progressivement accumulé dans l'atmosphère du fait d'une forte activité volcanique. A terme, les conséquences de cette géniale invention se révèlent cependant difficiles à maîtriser : pour commencer, le procédé rejette de l'oxygène, ce qui fait disparaître pratiquement toutes les formes de vie de l'époque, pour qui ce gaz représente un poison. Par ailleurs - et c'est nettement plus grave pour les organismes photosynthétiques -, le pompage à grande échelle du CO2 de l'atmosphère à une époque où l'activité volcanique se ralentit se traduit par une chute durable des températures.

Le noir secret du phytoplancton
Les choses ne sont cependant pas complètement perdues. 100 millions d'années plus tard, le dégel s'amorce, probablement grâce à une plus forte activité volcanique. Quelques centaines de millions d'années vont maintenant s'écouler avant que la vie ne soit une nouvelle fois victime de son succès. Cette fois, c'est l'apparition de grands organismes unicellulaires et des premiers organismes multicellulaires (le phytoplancton) qui provoque la crise : ces derniers sont en effet forts actifs en terme de photosynthèse et capables d'incorporer le CO2 dans leur "coquille" de calcaire. A leur mort, le CO2 est entraîné au fond des océans où il sera ensuite décomposé de manière très lente. Les conséquences de ce ralentissement du cycle du carbone ne tardent pas : entre -850 et -630 millions d'années, la Terre traverse une nouvelle période de grand froid. Il faudra de nouveau attendre que les volcans aient permis de remonter suffisamment la concentration atmosphérique de CO2 pour que les choses puissent reprendre leur cours.

La Terre a des gaz
Une fois remises de toute cette glace, les plantes se lancent dans de nouvelles conquêtes, au résultat tout aussi désastreux d'un point de vue climatique. Le peuplement des terres émergées (-360 à -260 millions d'années) se traduit ainsi par une troisième baisse des températures . Par la suite, la vie aura plutôt tendance à favoriser les scénarios de réchauffement, en particulier en cas d'explosions démographiques bactériennes, qui vont entraîner le relargage de grandes quantités de méthane (un gaz à effet de serre très puissant) dans l'atmosphère. C'est probablement ce qui se produit il y a -55 millions d'années, lors de la dernière grande période d'extinction de masse des organismes vivants sur Terre... si l'on excepte l'actuelle.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais somme toute, ce bref retour géologique me semble plutôt réconfortant : certes, dans l'état actuel des choses, il semble indiquer que nous autres humains ne sommes pas en train d'inventer la poudre en impactant le climat terrestre. Toutefois, il permet également de toucher du doigt le fait que nous sommes au minimum plus créatifs que des bactéries. Tout le monde n'est pas capable de modifier la concentration atmosphérique de plusieurs gaz à effet de serre en même temps !

Image : la Terre vue par l'équipage d'Apollo 8 (source : NASA)

dimanche 17 octobre 2010

A Isesaki, les barbes ne sont pas vertes

Il n'y a pas de petit profit quand il s'agit de lutter contre le gaspillage d'énergie et le réchauffement climatique. C'est du moins ce que l'on pourrait déduire en apprenant la récente interdiction du port de la barbe pour les agents du service public de la ville d'Isesaki, au nord-est du Japon.

L'approche s'inscrit dans le cadre du Cool Biz, une campagne nationale appliquée chaque été depuis 2005. Celle-ci vise à réduire la consommation d'énergie liée à l'air conditionné en promouvant la hausse des thermostats et l'adoption de tenues moins formelles que le costume-cravate pour aller travailler. Si les résultats de la mesure semblent réels (1,14 millions de tonnes de CO2 auraient été économisées en 2006, soit l'équivalent des émissions de 2,5 millions de ménages japonais pendant 1 mois), on voit mal en quoi le port de la barbe pourrait se révéler de nature à augmenter fortement la consommation d'énergie estivale du Japon, d'autant plus que cette perte devrait être logiquement compensée par des besoins moindres en chauffage durant l'hiver... Selon le Guardian, les origines de cette interdiction seraient plutôt à rechercher dans le fait qu'au Japon, le port de la barbe est historiquement considéré comme un signe de pouvoir ou d'agressivité.

dimanche 26 septembre 2010

Grand Nord : la bataille du XXIème siècle ?

Le 28 juillet 2010, Radio Canada et le National Post rapportaient la découverte de l'épave du HMS Investigator, disparu il y a 155 ans en Arctique alors qu'il recherchait le trajet du mythique passage du Nord-Ouest. Amis lecteurs, je pense ne pas me tromper en supposant que la nouvelle (dont vous n'avez selon toutes probabilités pas eu connaissance) vous a laissés de marbre à l'époque. Pourtant, si l'on en croit le ministre de l'environnement canadien Jim Prentice, c'est un tort : il s'agirait en effet d'une découverte "fondamentale".

Pas étonnant, me direz-vous. Une telle épave présente certainement un grand intérêt historique pour le Canada, qui peut ainsi rendre hommage aux intrépides aventuriers qui bravèrent la banquise pour cartographier le grand nord. Sans doute. Néanmoins, je ne peux pas m'empêcher de noter qu'aux yeux des Canadiens du début du XXIème siècle, elle semble surtout présenter un intérêt politique de premier plan.


L'Arctique échauffe les esprits
C'est que depuis quelques années, le Canada s'inquiète. Le réchauffement climatique menace en effet de rebattre toutes les cartes géopolitiques de l'Arctique et le pays ne voudrait pas rater le coche. L'enjeu est énorme : gaz naturel, pétrole, diamants, minerais, poissons... c'est environ le quart des ressources naturelles mondiales qui dormirait pour l'instant sous les glaces. Avec la fonte de ces dernières, cet eldorado est en passe de devenir accessible, ce qui suscite la convoitise de tous les pays circumpolaires (États-Unis, Canada, Russie, Danemark, Norvège et Russie).

D'un océan à l'autre... et à l'autre ?
Si la souveraineté du Canada sur les îles qui bordent sa côte nord n'est pas contestée, les choses sont loin d'être aussi simples lorsque l'on commence à s'interroger sur les fonds marins. D'après la Convention des Nations Unies sur le droit de la Mer, qui a été ratifiée par le Canada, un état bénéficie d'une zone économique exclusive, qui s'étend sur 200 miles marins à partir de sa côte. L'état côtier y dispose d'un droit exclusif de pêche et de propriété des ressources minérales des fonds. Au delà de cette zone commencent les eaux internationales, dans lesquelles tout autre état peut pêcher, effectuer des recherches, naviguer comme bon lui semble et se livrer à des opérations de prospection. La règle, simple en apparence, cache cependant une exception redoutable : le plateau continental. La Convention stipule en effet que dans le cas où le plateau continental d'un pays (c'est à dire le plateau sous-marin sur lequel se prolonge un continent et qui précède les abysses) s'étendrait au delà de 200 miles marin, le pays pourrait revendiquer l'extension de sa zone économique exclusive, soit jusqu'à 350 miles marins de la côte, soit jusqu'à 100 miles d'une ligne tracée à partir d'une profondeur moyenne de 2500 mètres... On comprendra dans ses conditions l'intérêt soudain que portent les pays arctiques à la cartographie de leur plateau continental !

Dans ce domaine, la Russie possède sans conteste une longueur d'avance : elle s'intéresse en effet de très près aux chaînes de montagnes sous-marines de l'Arctique (dorsales de Lomonossov et de Mendeleïev), qu'elle revendique depuis plusieurs années comme des prolongements de son plateau continental... au grand dam des autres pays circumpolaires.

L'épineuse question du passage du Nord-Ouest
Si le débat autour des profondeurs marines est loin d'être réglé, c'est également vrai des eaux qui les recouvrent. L'ouverture annoncée du passage du Nord-Ouest représenterait en effet une aubaine pour les armateurs du monde entier, qui pourraient de ce fait effectuer le trajet Londres /Yokohama en 16 000 km au lieu de 23 000 km actuellement via le canal de Panama. La chose n'est certes pas pour demain. Mais dans un avenir plus lointain, l'ouverture du passage risque de se traduire par une forte augmentation de la menace de marées noires sur un écosystème particulièrement fragile et en pleine mutation. Outre la faune et la flore, un tel évènement frapperait durement les Inuits, dont la culture est déjà fortement menacée par l'occidentalisation et le réchauffement climatique. Dans ces conditions, le statut de ce passage (détroit international ou eaux intérieures canadiennes) n'est pas du tout anodin. Les règles internationales de navigation sont en effet beaucoup plus lâches que le droit maritime canadien. Nous ne devrions donc pas nous étonner que le gouvernement canadien juge "fondamentale" la découverte d'une épave au large de l'île de Banks, surtout si celle-ci démontre que le pays patrouille les eaux arctiques depuis 155 ans...

Pour en savoir plus : Perdre le Nord ? de Dominique Forget (2007) aux éditions Boréal Névé.

Image 1 : oui, bon, ce n'est pas vraiment l'Arctique, mais c'est quand même un bord de mer hivernal au nord de l'Amérique du nord... Photo Sophie.

Image 2 : carte de l'Arctique, montrant les frontières reconnues, les limites équidistantes et les revendications territoriales russes. Auteur : Séhmur.

dimanche 19 septembre 2010

La phrase... d'un historien

Journées du patrimoine 2010. Nous sommes aux limites de l’ancien duché de Bourgogne, massés devant la cheminée monumentale d’une salle de garde médiévale. Devant nous, le guide, coiffé de ce qui fut sans doute l’ancêtre de la casquette, joue négligemment avec une épée.

« La cheminée que vous avez devant vous est du XVII ème siècle. Elle est donc plus récente que le reste de la pièce, qui date du XIV ème siècle. La raison de cet ajout tardif ? Le froid. Au cours du XVIIème siècle, la France connaît plus de 30 hivers rigoureux, qui incitent à l’ajout massif de cheminées dans les bâtiments antérieurs. Cette cheminée est donc très typique de cette époque. Si vous voulez, on pourrait la comparer aux systèmes de climatisation qui prospèrent depuis la canicule de l’été 2003 et les étés chauds qui ont suivi : il y a 15 ans, bien peu de gens auraient songé à installer la climatisation chez eux. Depuis 2003, c’est devenu commun… »

Il n'y a pas que dans les carottes de glace et les anneaux des arbres que l'on peut voir le climat évoluer ! En Europe, le XVII ème siècle correspond en effet au premier minimum du "petit âge glaciaire" qui durera jusqu'au XIX ème siècle ou (selon les auteurs) le début du XX ème siècle. Quant au début du XXI ème siècle... gageons que les systèmes de refroidissement dans les habitations ont encore de beaux jours devant eux.

dimanche 15 août 2010

Moscou en fumée

Un témoignage en image de notre envoyée spéciale Marie à Moscou, ville drapée depuis plusieurs jours dans la fumée qui serait issue à 80-90% des feux de tourbières drainées.


D'après Wetlands International, les émissions de CO2 dues à l'oxydation de la matière organique des tourbières drainées équivaudrait à 6% des émissions mondiales de CO2. Ce chiffre n'inclut pas l'impact des feux dans ces zones. Les tourbières drainées de la partie européenne de la Russie font partie des plus émettrices au monde, juste après l'Indonésie. En Russie, les feux de tourbière actuels, qui se poursuivent en profondeur, ont peu de chance de s'arrêter avant l'hiver et l'arrivée de la neige.

mercredi 11 août 2010

Les bienfaits cachés des baleines

Avis à tous ceux qui regrettent le peu d'avancées sur la question de la fertilisation des océans : j'ai une bonne nouvelle ! Plutôt que de se lancer dans des opérations coûteuses et pas forcément bien maîtrisées de relargage de fer dans les zones anémiées du Pacifique sud pour favoriser la croissance des populations de phytoplancton, il suffit de promouvoir la protection de la baleine !

C'est du moins ce que l'on peut conclure d'un article récemment paru dans le journal scientifique Fish and Fisheries. Les auteurs de l'article, des chercheurs australiens, ont en effet analysé la teneur en fer des fèces de baleine. Il en ressort que la concentration en fer des fèces est environ 10 millions de fois plus élevée que celle de l'eau de mer en Antarctique. Chaque fois qu'une baleine crotte, elle contribue donc à fertiliser les océans. Compte tenu de l'état des stocks de baleines dans le Pacifique sud, cette contribution est à l'heure actuelle négligeable. On peut toutefois penser qu'il n'en a pas toujours été ainsi et que par le passé, les grands mammifères marins ont contribué à l'équilibre en fer des eaux qui bordent l'Antarctique. En théorie, rien n'empêche cette contribution de reprendre une place prépondérante... à condition bien sûr de se donner les moyens de protéger les espèces concernées.

mercredi 14 juillet 2010

S'il ne reste plus qu'un dernier choix...

La comptabilisation détaillée de "l'empreinte carbone" liées à chacune de nos activités ne fait que débuter. A terme, cela risque d'impacter nos décisions dans les domaines les plus improbables. Le choix d'une technique funéraire pourrait ainsi devenir un vrai casse-tête. Au Royaume-Uni, un pays qui joue le rôle de laboratoire européen sur la question climatique depuis quelques années, la crémation est d'ores et déjà sur la sellette : d'après Carbon Trust, une organisation aidant à accélérer la transition vers une économie neutre en émissions, elle entraînerait l'émission de 150 kg de C02, soit l'équivalent d'un aller Paris-Marseille en voiture de taille moyenne. Par ailleurs, une crémation entraînerait l'émission de quantités non négligeables de mercure, provenant essentiellement des plombages dentaires. L'alternative évidente (l'inhumation) pose également des problèmes difficiles à résoudre, dont la question délicate de l'espace disponible.

Par chance, dans ce domaine comme dans tant d'autres, certains se montrent inventifs. Une passionnée de jardinage suédoise propose par exemple de congeler les corps dans le l'azote liquide, puis de les réduire en poudre. Émissions de CO2 dues à l'opération : 50 kg. Pour les gens qui souhaitent une technique encore plus originale, il reste la solution de la dissolution dans de l'hydroxide de sodium à 180 °C (66 kg de CO2 émis). Enfin, pour ceux qui auraient la fibre entrepreneuriale, rien ne vous empêche de mettre en place votre propre technique : il existe visiblement un marché !

Photo : le cimetière de Lihme, Danemark, vu par Nicolas

vendredi 2 juillet 2010

Les océans tu fertiliseras

Ces derniers temps, la fertilisation des océans est devenue un sujet très sensible et épineux. A tel point que j'ai hésité à appeler ce post "chronique d'une idée avortée".

L'idée initiale semble pourtant de nature à faire vibrer de nombreux ingénieurs et financiers. Il s'agit de rajouter du fer dans des zones océaniques qui sont caractérisées par de faibles concentrations en ce nutriment indispensable à la photosynthèse. Par ce biais, on favorise la multiplication du phytoplancton, qui va absorber du CO2 pour croître. En mourant, une partie de ce phytoplancton rejoindra le plancher océanique, entraînant avec lui le CO2 absorbé. Selon une analyse parue en 2009, on pourrait de cette manière diminuer de quelques ppm la concentration en CO2 de l'atmosphère (-15 ppm pour une concentration supposée de 700 ppm en 2100 ou un peu plus de 30 ppm pour un scenario de 800 ppm de CO2 en 2100).

Voilà pour la théorie. Dans la pratique, l'idée soulève toutefois de nombreuses interrogations et inquiétudes. La première est l'efficacité réelle de la méthode, qui n'a jusqu'à présent été testée qu'avec des quantités modérées de fer et sur des périodes inférieures à un mois. Par ailleurs, les conséquences d'une explosion des populations de phytoplancton dans des zones normalement pauvres en biomasse sont difficiles à prévoir. Enfin, la masse de phytoplancton mort qui tombe au fond des océans sera pour la majorité reminéralisée dans le futur et le CO2 sera alors relâché dans l'atmosphère, ce qui diminue singulièrement l'intérêt de la méthode.

Les façons cavalières de certaines start-ups positionnées sur le créneau de la fertilisation océanique ont contribué à cristalliser ces inquiétudes. C'est notamment le cas de Planktos, une société californienne qui a défrayé la chronique en 2007. L'entreprise avait en effet annoncé son intention de répandre 600 tonnes de fer dans les environs des îles Galapagos. L'annonce avait provoqué un tollé, l'action ne paraissant pas légale au regard des lois américaines, qui interdisent le relargage sans permis de matériel chimique à la mer. Face à ces attaques, Planktos avait annoncé que l'opération serait effectuée sous un pavillon de complaisance, se mettant de ce fait hors d'atteinte de la juridiction américaine. La société a sombré avant de pouvoir mettre ses projets à exécution, faute de financements.

L'épisode a laissé des traces profondes dans le monde de la géo-ingénierie. Il s'est notamment soldé par une modification de la Convention de Londres de l'Organisation Maritime Internationale, qui régit le relargage de déchets dans les océans. Cette dernière spécifie maintenant que les activités de fertilisation des océans à des fins autres que la recherche ne devraient pas être autorisées. D'ailleurs, même les activités de recherche sur la question ne sont plus vues d'un très bon œil, ainsi que l'ont démontré les réactions peu positives lors du lancement en 2009 de l'expédition expérimentale d'une équipe de l'Alfred Wegener Institut de Bremerhaven en Allemagne... Ce mouvement de défiance est-il temporaire ? Seul l'avenir le dira. Dans l'immédiat, il semble en tous cas que les océans peuvent rester anémiés. Et c'est sans doute tant mieux.

mercredi 23 juin 2010

La vengeance secrète du mammouth

Même éteints depuis des milliers d'années, les mammouths n'en finissent pas de déchaîner les passions. Dans le monde fascinant de ces grands mammifères, tout est en effet sujet à débat : pourquoi les représentants du genre ont-ils disparu ? Peut-on cloner leurs restes ? Et dernièrement, quelle est la part de responsabilité de ces espèces dans le petit âge glaciaire qui a frappé l'hémisphère nord il y a 12 000 ans ?

La question a été soulevée fin mai par Smith et al. dans un article scientifique paru dans la revue Nature geoscience. Il y a un peu plus de 13 000 ans, le continent américain abritait un bestiaire qui aurait sans nul doute ravi l'auteur d'Alice aux pays des merveilles. On y trouvait des castors de la taille d'un fauteuil, des tigres à dents de sabre, des tortues pesant aussi lourd qu'une voiture, des chameaux toisant plus de 2 mètres à l'épaule et des mammouths. Mille ans plus tard, ces espèces avaient disparu, emportées par une extinction de masse spectaculaire. On observe en parallèle de cet épisode d'extinction massive une baisse marquée des concentrations de méthane (un gaz à effet de serre très puissant) dans l'atmosphère et une forte chute des températures correspondant à l'épisode glaciaire dit du Dryas récent. Smith et al. envisage qu'une partie de cette baisse (entre 13% et 100%, ce qui fait quand même une belle échelle de variation) pourrait être expliquée par l'extinction des grands ruminants américains comme le mammouth, qui émettaient jusque là du méthane.

Le sujet est plus glissant qu'on ne le pense. Car à supposer que la disparition des mammouths américains puisse en partie expliquer l'avancée des glaces il y a 12 000 ans, la question de la cause de cette disparition reste ouverte. Dans leur article, Smith et al. reprennent à leur compte la théorie d'une chasse excessive de l'espèce par les premiers Amérindiens, qui seraient arrivés il y environ 12 000 ans sur le continent américain. Vu d'Europe, il est difficile de mesurer à quel point cette théorie déclenche les passions en Amérique du nord. Les Amérindiens vivent en effet particulièrement mal une hypothèse qu'ils estiment avoir été créée de toutes pièces pour dédouaner les Blancs de la gestion plus que discutable des ressources naturelles sur le sol américain depuis 1492. Même sans rentrer dans ce débat, Smith et al. semblent mal renseignés sur les dernières avancées scientifiques en ce qui concerne l'Amérique précolombienne. En effet, il semble de plus en plus probable que l'arrivée des premiers Amérindiens remonte à bien plus de 13 000 ans. Certains archéologues avancent des chiffres allant jusqu'à plus de 30 000 ans. Certes, ces avancées ne permettent pas de répondre au pourquoi de la disparition du mammouth américain. Néanmoins, elles rendent nettement moins plausible l'image d'une horde sanguinaire d'Amérindiens fraîchement arrivés se jetant sur le moindre mammouth jusqu'à faire disparaître l'espèce.

Il est possible que la disparition des mammouths ait eu des conséquences inattendues sur le climat. Il est également possible que la chasse pratiquée par les Amérindiens ait entraîné une diminution des effectifs de l'espèce. De là à dire que les humains d'il y a 12 000 ans sont responsables, même en partie, d'un âge glaciaire, il y a un pas. Suffisamment important pour ne pas être franchi dans l'état actuel des connaissances.

Dans un souci d'objectivité, je me vois contrainte de vous faire également part ici de l'hypothèse émise dans l'âge de glace 2 de Blue Sky Studios : le dernier mammouth américain femelle aurait eu un conflit d'identité. Mais que font les psychologues pour éléphantidés ????


Image : Age de glace 2

lundi 21 juin 2010

Du tabac au climat, ou les dessous d'une histoire sale

Ne nous y trompons pas : en théorie, nous avons de la chance de vivre dans une époque éclairée. Cela n'a en effet pas toujours été le cas. Durant le vingtième siècle par exemple, les choses étaient bien différentes d'aujourd'hui. Pour commencer, les gens étaient des drogués. J'en veux pour preuve l'explosion de la consommation de cigarettes qui a marqué la première moitié du siècle, les ventes passant de 80 cigarettes par habitant et par an aux États-Unis en 1910 à 10 cigarettes par jour et par habitant en 1950 — ce qui représente tout de même plus de 4000 cigarettes par an pour chaque fumeur. En 1951, il est estimé que 3 à 5% du budget des consommateurs américains est consacré au tabac. Ne nous étonnons pas dans ces conditions des réactions négatives qui accompagnent à l'époque chaque hausse du prix des cigarettes, vécue comme un racket.

Étrange corrélation
Malgré le capital sympathie dont jouit le tabac entre 1900 et 1950, certains aspects de sa consommation ne manquent pas d'inquiéter quelques esprits chagrins. Outre la dépendance que semble créer le produit, la hausse de la mortalité due au cancer du poumon intrigue fortement les scientifiques. Il faut reconnaître que cette dernière est spectaculaire ; en 1919, la maladie est encore une rareté avec une prévalence de 0,6 cas pour 100 000 décès, le genre de chose que l'on ne voit qu'une fois dans une carrière de médecin. Dans les années 50, elle est devenue le cancer le plus commun après le cancer de l'estomac, avec une prévalence de 31 cas sur 100 000 décès. Les études publiées dans les revues scientifiques, de plus en plus nombreuses, incitent en 1954 le ministre américain de la santé à déclarer "qu'il faut maintenant considérer comme établi le lien entre le fait de fumer et le cancer du poumon".

Une propagande qui s'appuie d'abord sur la publicité mensongère...
Ces propos ne sont pas du goût de l'industrie du tabac, dont les bénéfices sont d'ores et déjà colossaux (ils seront estimés à 8 milliards de dollars pour le seul territoire américain en 1964). Très vite, cette dernière s'organise pour répondre à des attaques qui menacent de dégénérer en législation contraignante. Dès 1954, elle débute sa lutte par des campagnes publicitaires niant le lien entre tabac et cancer. Elle débauche également des dizaines de scientifiques, qui mettent en doute ce lien dans des pamphlets distribués chez les médecins et dans la presse nationale. La hausse de la prévalence du cancer du poumon étant difficile à contester, l'industrie s'attache à insinuer subtilement que cette évolution pourrait être due à d'autres facteurs que la cigarette, comme la pollution de l'air. Elle tente également de convaincre le consommateur de l'innocuité du produit en promouvant les cigarettes à filtre — tout en augmentant la dose de nicotine dans ces dernières.

Le nuage de fumée que soulève la controverse orchestrée par l'industrie du tabac se révèle payant. Ce n'est qu'en 1962 que le gouvernement américain décide de créer un comité d'experts scientifiques chargé d'évaluer les impacts du tabac sur la santé. En 1964, le couperet tombe : le comité indique qu'il existe bel et bien un lien entre le cancer du poumon et la cigarette. En dépit des objections de l'industrie du tabac, qui fait remarquer que la cigarette assure un revenu à de nombreux citoyens américains, le législateur finit par voter le Federal Cigarette Labeling and Advertising Act, qui oblige l'industrie à partir de 1966 à préciser sur les paquets que le produit est potentiellement nocif.

... puis sur les messages simplistes qui sèment le doute
L'industrie du tabac ne se laisse pas abattre par ce coup dur, qui est suivi en 1971 par l'interdiction de la publicité sur les cigarettes à la télévision et la radio. Elle commence par s'assurer du silence — qui va durer 10 ans — de l'Association Médicale Américaine (AMA) par un don de 10 millions de dollars. Elle entame ensuite une vaste campagne de propagande en finançant en sous-main le livre d'un scientifique, au titre évocateur : "Fumer n'est pas dangereux". Sa stratégie, qu'elle décrit en détail dans des notes internes, consiste à semer le doute sur l'impact réel du tabac sur la santé en brodant de manière imaginative sur le thème "nous n'avons pas assez de preuves". Dans la guerre qu'elle mène contre les mouvements anti-tabac, tous les coups sont permis. Elle invoquera ainsi successivement un biais des études scientifiques, lié au fait que les fumeurs ont plus de probabilité d'être soumis à des tests de cancer du poumon et donc d'être diagnostiqués (1974) et un vaste complot contre la liberté individuelle (1978).

Les fumeurs passifs : l'iceberg du Titanic
Avec une grande clairvoyance, l'industrie du tabac identifie dès les années 70 la question des fumeurs passifs comme la principale menace qui pèse sur son activité. Que le lien entre fumeur passif et cancer soit reconnu, et c'est tout un nouveau pan de législation qui va accabler la société américaine. Pendant plusieurs années, l'industrie va utiliser le poids de son budget publicité dans les journaux américains pour s'assurer de l'absence d'articles trop explicitement anti-tabac. Malgré ses efforts, le lien entre fumeur passif et cancer sera néanmoins établi formellement en 1986 dans le rapport annuel du comité d'experts scientifiques qui officie depuis 1962. C'est le début de la fin.

Dans les années 90, de nombreux journaux décident ainsi de refuser les financements publicitaires de l'industrie. Au cours des années qui suivent, les procès contre les entreprises du tabac et les interdictions de fumer dans les lieux publics se mettent à pleuvoir. Après 5 décennies de lutte acharnée, l'industrie du tabac voit ses ventes s'effriter dans les pays développés ; en 2006, seuls 24% des hommes et 18% des femmes étaient des fumeurs aux États-Unis, contre plus de 50% des hommes et 35% des femmes en 1965.

The show must go on
Faut-il déduire de cette baise de consommation que tout va mal pour les lobbyistes de l'industrie du tabac ? Ce serait sans doute un peu prématuré. Le marché des pays en développement reste en effet ouvert. De plus, pour ceux qui souhaiteraient se concentrer sur les pays développés, il est possible de recycler sur d'autres sujets les enseignements précieux retirés de 50 ans de propagande contre un consensus scientifique. Le glissement est déjà réalisé depuis quelques années ; ne nous étonnons donc pas de trouver des liens troublants entre certains discours concernant la question climatique et la stratégie passée de l'industrie du tabac. Cette dernière a fait ses preuves !

Pour les esprits soupçonneux de notre temps, qui souhaiteraient ne pas voir les industries s'enrichir aux dépens des intérêts à long terme des citoyens, la vigilance impose de s'intéresser en détail aux sources de financements des scientifiques qui se déclarent "dissidents" et de considérer avec le plus grand scepticisme les théories du complot relayées par la presse et internet. Ce n'est qu'à ce prix que nous pourrons réellement dormir sur nos deux oreilles.

Source : l'essentiel des informations citées ici provient du site très bien documenté Tobacco.org

English version: From tobacco to climate, the reuse of a winning method

Images :
The man who thinks for himself knows... publicité pour les cigarettes Viceroy
AMA says have a cigarette, publicité pour les cigarettes Lucky Strike

dimanche 6 juin 2010

Contribution du grand dégel à la Chaîne Energie de l'Expansion

J'ai récemment eu le plaisir de publier un article sur la Chaîne Énergie de l'Expansion. Je souhaite en conséquence la bienvenue aux nouveaux lecteurs qui ont rebondi de la Chaîne Energie sur Le grand dégel.

Le grand dégel est un blog bilingue qui s'intéresse aux nombreuses questions soulevées par le changement climatique, notamment en Europe et en Amérique du nord. Les commentaires y sont appréciés, donc n'hésitez pas à faire part de vos impressions !