lundi 4 juillet 2011
Entre les lignes...
Prenez son arrestation le 14 mai, par exemple. La date est infortunée : elle a rendu la plupart des quotidiens français aveugles à la publication le 13 mai par Wikileaks de câbles diplomatiques secrets échangés entre les différents pays circumpolaires. C'est dommage, car ces derniers mettaient clairement en avant les tensions territoriales actuelles et à venir sur un Arctique en cours de réchauffement. Ils insistaient notamment sur les revendications danoises sur le Pôle nord, ainsi que sur les opportunités d'exploitation géologiques qui s'ouvriraient aux Américains en cas d' indépendance du Groenland. Par ailleurs, ils indiquaient le désir des Américains et des Russes de ne pas voir l'OTAN se mêler à la discussion sur l'Arctique.
On ne peut malheureusement pas s'étonner que des informations de ce type aient été jugées moins prioritaires que les frasques sexuelles putatives d'un éventuel candidat à la présidentielle. Toutefois, on aurait pu être en droit d'espérer que les médias français parviennent à rapporter l'annonce lourde de signification de Vladimir Poutine le 2 juillet d'un envoi de troupes d'élite en Arctique, une information qui a fait les choux gras de la presse scandinave. Mais voilà : le 2 juillet, c'était aussi la date du deuxième rebondissement DSK... La potentielle guerre pour le pétrole de l'Arctique pouvait bien attendre.
mardi 29 mars 2011
Pourquoi je n'aime pas les prospectus
C'est du moins la conclusion à laquelle je suis arrivée après avoir parcouru avec une perplexité grandissante le prospectus envoyé gracieusement à mon domicile par la campagne "j'aime mon prospectus", téléchargeable pour les curieux en cliquant ici.
Du papier à la publicité...
Je ne vais pas faire durer le suspense plus longtemps : "j'aime mon prospectus" m'écrit pour m'expliquer pourquoi le prospectus est indispensable à ma vie quotidienne. Jusque là, tout est très logique : avec un nom pareil, il était improbable que cette campagne vise à me convaincre de la nécessité de parrainer d'urgence le panda géant, menacé d'extinction. Non, là où les choses glissent insensiblement dans le surréalisme, c'est que "j'aime mon prospectus" a axé sa communication sur le fait que "nous serions drôlement mal partis dans un monde sans papier, le produit vert par excellence". Et là, je m'excuse, mais je ne vois pas le rapport.
Que le papier soit indispensable à notre vie quotidienne, soit. Qu'il soit un produit vert, ça se discute... Et quoi qu'il en soit, cela n'absout en rien la marée de prospectus reçue presque quotidiennement par le citoyen lambda. Car à mon sens, le gros problème du prospectus, ce n'est pas tellement le fait qu'il soit fabriqué à partir de papier (encore heureux, il ne manquerait plus qu'il soit en plastique!), c'est le fait qu'il soit l'instrument d'une consommation excessive, délétère pour l'environnement et le porte-monnaie.
... ou l'escalade de la production de déchets
D'après "j'aime mon prospectus", 65% des gens ayant reçu un prospectus procèdent à un achat qui y est lié. Cette affirmation m'a laissée pensive. Je constate en effet que la majorité des prospectus que je reçois concernent des produits alimentaires. Or, ces derniers font partie des produits pour lesquels les consommateurs sont captifs ; il est bien évident que les gens continueront de se nourrir, quelque soit la conjoncture économique. On peut donc s'interroger sur la nécessité de promouvoir les achats de nourriture, surtout quand on sait que dans les pays développés, cette dernière finit en moyenne pour 30% à 40% directement dans la poubelle. N'aurait-il pas été plus honnête de faire remarquer que les prospectus favorisent les achats compulsifs de produits qui ne seront jamais mangés ou utilisés et génèrent en conséquence des déchets très importants ?
Je m'en vais de ce pas coller une étiquette "pas de publicité" sur ma boîte aux lettres.
jeudi 24 mars 2011
La phrase... d'un poète
Maintenant qu'il peut les réaliser, il doit soit les changer, soit périr."
William Carlos Williams, médecin et poète américain (1883-1963)
La version originale de cette phrase se trouve ici.
vendredi 25 février 2011
La phrase... d'un spécialiste des chauves-souris
Image : une colonie de Pteropus alecto. Auteur : Justin Welbergen.
jeudi 17 février 2011
Petite histoire de chauffage...
Je ne vous infligerai pas à nouveau la classique litanie sur le fait que les dépenses énergétiques liées au chauffage augmentent fortement pour chaque degré gagné en température intérieure, vous avez certainement bien d'autres occasions de l'entendre. En revanche, permettez moi de vous signaler l'existence d'une récente étude, publiée dans le journal scientifique Obesity Review. Selon cette dernière, la hausse de la température moyenne des maisons aux Etats-Unis (qui est passée de 19,3°C en 1987 à 20,2°C en 2005) pourrait bien avoir favorisé l'aggravation de l'épidémie d'obésité qui sévit dans ce pays. En effet, la baisse des dépenses énergétiques qui résulte d'un chauffage accru des maisons limiterait la présence de tissu adipeux brun ( impliqué dans la thermorégulation de l'organisme), et le peu qui resterait serait de surcroît moins efficace. C'est bien dommage, car pour exercer son office de radiateur intégré, ce dernier prélève abondamment dans la graisse classique - nos fameuses petites poignées d'amour...
Quand on sait qu'en moyenne, un bébé Américain né en 2010 peut espérer vivre 3 ans de moins qu'un Français né la même année et 4 ans de moins qu'un Japonais, et que 20% à 30% de cette différence serait liée au surpoids, on ne peut pas s'empêcher de conclure que chauffer ou ne pas chauffer, telle est bel et bien la question !
mardi 1 février 2011
Petite pause...
mardi 28 décembre 2010
Devenez vert, adoptez un volcan

Puisque l'heure est au bilan de l'année 2010, je propose une courte période de silence pour célébrer la leçon offerte par le volcan islandais Eyjafjallajökull. Un volcan vaut parfois mieux que toutes les conférences internationales ; certes, ses émissions de CO2 ont été importantes - elles ont été estimées entre 150 à 300 000 tonnes par jour durant la période de son éruption -, mais les émissions des avions qui n'ont pas pu décoller l'auraient été encore plus , puisqu'elles auraient excédé ce niveau d'au moins 40 000 tonnes par jour. Je me demande si l'Islande va pouvoir vendre des crédits carbone rétroactifs ?
mercredi 22 décembre 2010
Polluer plus pour gagner plus : le scandale du HFC-23
dimanche 21 novembre 2010
Ce solaire qui pourrait entraîner la nuit
mercredi 27 octobre 2010
La Vie, cette grande farceuse
La photosynthèse : une arme de destruction massive

Le noir secret du phytoplancton
Les choses ne sont cependant pas complètement perdues. 100 millions d'années plus tard, le dégel s'amorce, probablement grâce à une plus forte activité volcanique. Quelques centaines de millions d'années vont maintenant s'écouler avant que la vie ne soit une nouvelle fois victime de son succès. Cette fois, c'est l'apparition de grands organismes unicellulaires et des premiers organismes multicellulaires (le phytoplancton) qui provoque la crise : ces derniers sont en effet forts actifs en terme de photosynthèse et capables d'incorporer le CO2 dans leur "coquille" de calcaire. A leur mort, le CO2 est entraîné au fond des océans où il sera ensuite décomposé de manière très lente. Les conséquences de ce ralentissement du cycle du carbone ne tardent pas : entre -850 et -630 millions d'années, la Terre traverse une nouvelle période de grand froid. Il faudra de nouveau attendre que les volcans aient permis de remonter suffisamment la concentration atmosphérique de CO2 pour que les choses puissent reprendre leur cours.
La Terre a des gaz
Une fois remises de toute cette glace, les plantes se lancent dans de nouvelles conquêtes, au résultat tout aussi désastreux d'un point de vue climatique. Le peuplement des terres émergées (-360 à -260 millions d'années) se traduit ainsi par une troisième baisse des températures . Par la suite, la vie aura plutôt tendance à favoriser les scénarios de réchauffement, en particulier en cas d'explosions démographiques bactériennes, qui vont entraîner le relargage de grandes quantités de méthane (un gaz à effet de serre très puissant) dans l'atmosphère. C'est probablement ce qui se produit il y a -55 millions d'années, lors de la dernière grande période d'extinction de masse des organismes vivants sur Terre... si l'on excepte l'actuelle.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais somme toute, ce bref retour géologique me semble plutôt réconfortant : certes, dans l'état actuel des choses, il semble indiquer que nous autres humains ne sommes pas en train d'inventer la poudre en impactant le climat terrestre. Toutefois, il permet également de toucher du doigt le fait que nous sommes au minimum plus créatifs que des bactéries. Tout le monde n'est pas capable de modifier la concentration atmosphérique de plusieurs gaz à effet de serre en même temps !
Image : la Terre vue par l'équipage d'Apollo 8 (source : NASA)
dimanche 17 octobre 2010
A Isesaki, les barbes ne sont pas vertes
L'approche s'inscrit dans le cadre du Cool Biz, une campagne nationale appliquée chaque été depuis 2005. Celle-ci vise à réduire la consommation d'énergie liée à l'air conditionné en promouvant la hausse des thermostats et l'adoption de tenues moins formelles que le costume-cravate pour aller travailler. Si les résultats de la mesure semblent réels (1,14 millions de tonnes de CO2 auraient été économisées en 2006, soit l'équivalent des émissions de 2,5 millions de ménages japonais pendant 1 mois), on voit mal en quoi le port de la barbe pourrait se révéler de nature à augmenter fortement la consommation d'énergie estivale du Japon, d'autant plus que cette perte devrait être logiquement compensée par des besoins moindres en chauffage durant l'hiver... Selon le Guardian, les origines de cette interdiction seraient plutôt à rechercher dans le fait qu'au Japon, le port de la barbe est historiquement considéré comme un signe de pouvoir ou d'agressivité.
dimanche 26 septembre 2010
Grand Nord : la bataille du XXIème siècle ?
Pas étonnant, me direz-vous. Une telle épave présente certainement un grand intérêt historique pour le Canada, qui peut ainsi rendre hommage aux intrépides aventuriers qui bravèrent la banquise pour cartographier le grand nord. Sans doute. Néanmoins, je ne peux pas m'empêcher de noter qu'aux yeux des Canadiens du début du XXIème siècle, elle semble surtout présenter un intérêt politique de premier plan.
L'Arctique échauffe les esprits
C'est que depuis quelques années, le Canada s'inquiète. Le réchauffement climatique menace en effet de rebattre toutes les cartes géopolitiques de l'Arctique et le pays ne voudrait pas rater le coche. L'enjeu est énorme : gaz naturel, pétrole, diamants, minerais, poissons... c'est environ le quart des ressources naturelles mondiales qui dormirait pour l'instant sous les glaces. Avec la fonte de ces dernières, cet eldorado est en passe de devenir accessible, ce qui suscite la convoitise de tous les pays circumpolaires (États-Unis, Canada, Russie, Danemark, Norvège et Russie).
D'un océan à l'autre... et à l'autre ?
Dans ce domaine, la Russie possède sans conteste une longueur d'avance : elle s'intéresse en effet de très près aux chaînes de montagnes sous-marines de l'Arctique (dorsales de Lomonossov et de Mendeleïev), qu'elle revendique depuis plusieurs années comme des prolongements de son plateau continental... au grand dam des autres pays circumpolaires.
L'épineuse question du passage du Nord-Ouest
Si le débat autour des profondeurs marines est loin d'être réglé, c'est également vrai des eaux qui les recouvrent. L'ouverture annoncée du passage du Nord-Ouest représenterait en effet une aubaine pour les armateurs du monde entier, qui pourraient de ce fait effectuer le trajet Londres /Yokohama en 16 000 km au lieu de 23 000 km actuellement via le canal de Panama. La chose n'est certes pas pour demain. Mais dans un avenir plus lointain, l'ouverture du passage risque de se traduire par une forte augmentation de la menace de marées noires sur un écosystème particulièrement fragile et en pleine mutation. Outre la faune et la flore, un tel évènement frapperait durement les Inuits, dont la culture est déjà fortement menacée par l'occidentalisation et le réchauffement climatique. Dans ces conditions, le statut de ce passage (détroit international ou eaux intérieures canadiennes) n'est pas du tout anodin. Les règles internationales de navigation sont en effet beaucoup plus lâches que le droit maritime canadien. Nous ne devrions donc pas nous étonner que le gouvernement canadien juge "fondamentale" la découverte d'une épave au large de l'île de Banks, surtout si celle-ci démontre que le pays patrouille les eaux arctiques depuis 155 ans...
Pour en savoir plus : Perdre le Nord ? de Dominique Forget (2007) aux éditions Boréal Névé.
Image 1 : oui, bon, ce n'est pas vraiment l'Arctique, mais c'est quand même un bord de mer hivernal au nord de l'Amérique du nord... Photo Sophie.
Image 2 : carte de l'Arctique, montrant les frontières reconnues, les limites équidistantes et les revendications territoriales russes. Auteur : Séhmur.
dimanche 19 septembre 2010
La phrase... d'un historien
Journées du patrimoine 2010. Nous sommes aux limites de l’ancien duché de Bourgogne, massés devant la cheminée monumentale d’une salle de garde médiévale. Devant nous, le guide, coiffé de ce qui fut sans doute l’ancêtre de la casquette, joue négligemment avec une épée.
« La cheminée que vous avez devant vous est du XVII ème siècle. Elle est donc plus récente que le reste de la pièce, qui date du XIV ème siècle. La raison de cet ajout tardif ? Le froid. Au cours du XVIIème siècle, la France connaît plus de 30 hivers rigoureux, qui incitent à l’ajout massif de cheminées dans les bâtiments antérieurs. Cette cheminée est donc très typique de cette époque. Si vous voulez, on pourrait la comparer aux systèmes de climatisation qui prospèrent depuis la canicule de l’été 2003 et les étés chauds qui ont suivi : il y a 15 ans, bien peu de gens auraient songé à installer la climatisation chez eux. Depuis 2003, c’est devenu commun… »
Il n'y a pas que dans les carottes de glace et les anneaux des arbres que l'on peut voir le climat évoluer ! En Europe, le XVII ème siècle correspond en effet au premier minimum du "petit âge glaciaire" qui durera jusqu'au XIX ème siècle ou (selon les auteurs) le début du XX ème siècle. Quant au début du XXI ème siècle... gageons que les systèmes de refroidissement dans les habitations ont encore de beaux jours devant eux.
dimanche 15 août 2010
Moscou en fumée
D'après Wetlands International, les émissions de CO2 dues à l'oxydation de la matière organique des tourbières drainées équivaudrait à 6% des émissions mondiales de CO2. Ce chiffre n'inclut pas l'impact des feux dans ces zones. Les tourbières drainées de la partie européenne de la Russie font partie des plus émettrices au monde, juste après l'Indonésie. En Russie, les feux de tourbière actuels, qui se poursuivent en profondeur, ont peu de chance de s'arrêter avant l'hiver et l'arrivée de la neige.
mercredi 11 août 2010
Les bienfaits cachés des baleines
C'est du moins ce que l'on peut conclure d'un article récemment paru dans le journal scientifique Fish and Fisheries. Les auteurs de l'article, des chercheurs australiens, ont en effet analysé la teneur en fer des fèces de baleine. Il en ressort que la concentration en fer des fèces est environ 10 millions de fois plus élevée que celle de l'eau de mer en Antarctique. Chaque fois qu'une baleine crotte, elle contribue donc à fertiliser les océans. Compte tenu de l'état des stocks de baleines dans le Pacifique sud, cette contribution est à l'heure actuelle négligeable. On peut toutefois penser qu'il n'en a pas toujours été ainsi et que par le passé, les grands mammifères marins ont contribué à l'équilibre en fer des eaux qui bordent l'Antarctique. En théorie, rien n'empêche cette contribution de reprendre une place prépondérante... à condition bien sûr de se donner les moyens de protéger les espèces concernées.
mercredi 14 juillet 2010
S'il ne reste plus qu'un dernier choix...
Photo : le cimetière de Lihme, Danemark, vu par Nicolas
vendredi 2 juillet 2010
Les océans tu fertiliseras
L'idée initiale semble pourtant de nature à faire vibrer de nombreux ingénieurs et financiers. Il s'agit de rajouter du fer dans des zones océaniques qui sont caractérisées par de faibles concentrations en ce nutriment indispensable à la photosynthèse. Par ce biais, on favorise la multiplication du phytoplancton, qui va absorber du CO2 pour croître. En mourant, une partie de ce phytoplancton rejoindra le plancher océanique, entraînant avec lui le CO2 absorbé. Selon une analyse parue en 2009, on pourrait de cette manière diminuer de quelques ppm la concentration en CO2 de l'atmosphère (-15 ppm pour une concentration supposée de 700 ppm en 2100 ou un peu plus de 30 ppm pour un scenario de 800 ppm de CO2 en 2100).
Voilà pour la théorie. Dans la pratique, l'idée soulève toutefois de nombreuses interrogations et inquiétudes. La première est l'efficacité réelle de la méthode, qui n'a jusqu'à présent été testée qu'avec des quantités modérées de fer et sur des périodes inférieures à un mois. Par ailleurs, les conséquences d'une explosion des populations de phytoplancton dans des zones normalement pauvres en biomasse sont difficiles à prévoir. Enfin, la masse de phytoplancton mort qui tombe au fond des océans sera pour la majorité reminéralisée dans le futur et le CO2 sera alors relâché dans l'atmosphère, ce qui diminue singulièrement l'intérêt de la méthode.
Les façons cavalières de certaines start-ups positionnées sur le créneau de la fertilisation océanique ont contribué à cristalliser ces inquiétudes. C'est notamment le cas de Planktos, une société californienne qui a défrayé la chronique en 2007. L'entreprise avait en effet annoncé son intention de répandre 600 tonnes de fer dans les environs des îles Galapagos. L'annonce avait provoqué un tollé, l'action ne paraissant pas légale au regard des lois américaines, qui interdisent le relargage sans permis de matériel chimique à la mer. Face à ces attaques, Planktos avait annoncé que l'opération serait effectuée sous un pavillon de complaisance, se mettant de ce fait hors d'atteinte de la juridiction américaine. La société a sombré avant de pouvoir mettre ses projets à exécution, faute de financements.
L'épisode a laissé des traces profondes dans le monde de la géo-ingénierie. Il s'est notamment soldé par une modification de la Convention de Londres de l'Organisation Maritime Internationale, qui régit le relargage de déchets dans les océans. Cette dernière spécifie maintenant que les activités de fertilisation des océans à des fins autres que la recherche ne devraient pas être autorisées. D'ailleurs, même les activités de recherche sur la question ne sont plus vues d'un très bon œil, ainsi que l'ont démontré les réactions peu positives lors du lancement en 2009 de l'expédition expérimentale d'une équipe de l'Alfred Wegener Institut de Bremerhaven en Allemagne... Ce mouvement de défiance est-il temporaire ? Seul l'avenir le dira. Dans l'immédiat, il semble en tous cas que les océans peuvent rester anémiés. Et c'est sans doute tant mieux.
mercredi 23 juin 2010
La vengeance secrète du mammouth
La question a été soulevée fin mai par Smith et al. dans un article scientifique paru dans la revue Nature geoscience. Il y a un peu plus de 13 000 ans, le continent américain abritait un bestiaire qui aurait sans nul doute ravi l'auteur d'Alice aux pays des merveilles. On y trouvait des castors de la taille d'un fauteuil, des tigres à dents de sabre, des tortues pesant aussi lourd qu'une voiture, des chameaux toisant plus de 2 mètres à l'épaule et des mammouths. Mille ans plus tard, ces espèces avaient disparu, emportées par une extinction de masse spectaculaire. On observe en parallèle de cet épisode d'extinction massive une baisse marquée des concentrations de méthane (un gaz à effet de serre très puissant) dans l'atmosphère et une forte chute des températures correspondant à l'épisode glaciaire dit du Dryas récent. Smith et al. envisage qu'une partie de cette baisse (entre 13% et 100%, ce qui fait quand même une belle échelle de variation) pourrait être expliquée par l'extinction des grands ruminants américains comme le mammouth, qui émettaient jusque là du méthane.
Le sujet est plus glissant qu'on ne le pense. Car à supposer que la disparition des mammouths américains puisse en partie expliquer l'avancée des glaces il y a 12 000 ans, la question de la cause de cette disparition reste ouverte. Dans leur article, Smith et al. reprennent à leur compte la théorie d'une chasse excessive de l'espèce par les premiers Amérindiens, qui seraient arrivés il y environ 12 000 ans sur le continent américain. Vu d'Europe, il est difficile de mesurer à quel point cette théorie déclenche les passions en Amérique du nord. Les Amérindiens vivent en effet particulièrement mal une hypothèse qu'ils estiment avoir été créée de toutes pièces pour dédouaner les Blancs de la gestion plus que discutable des ressources naturelles sur le sol américain depuis 1492. Même sans rentrer dans ce débat, Smith et al. semblent mal renseignés sur les dernières avancées scientifiques en ce qui concerne l'Amérique précolombienne. En effet, il semble de plus en plus probable que l'arrivée des premiers Amérindiens remonte à bien plus de 13 000 ans. Certains archéologues avancent des chiffres allant jusqu'à plus de 30 000 ans. Certes, ces avancées ne permettent pas de répondre au pourquoi de la disparition du mammouth américain. Néanmoins, elles rendent nettement moins plausible l'image d'une horde sanguinaire d'Amérindiens fraîchement arrivés se jetant sur le moindre mammouth jusqu'à faire disparaître l'espèce.
Il est possible que la disparition des mammouths ait eu des conséquences inattendues sur le climat. Il est également possible que la chasse pratiquée par les Amérindiens ait entraîné une diminution des effectifs de l'espèce. De là à dire que les humains d'il y a 12 000 ans sont responsables, même en partie, d'un âge glaciaire, il y a un pas. Suffisamment important pour ne pas être franchi dans l'état actuel des connaissances.
Image : Age de glace 2
lundi 21 juin 2010
Du tabac au climat, ou les dessous d'une histoire sale
Étrange corrélation
Malgré le capital sympathie dont jouit le tabac entre 1900 et 1950, certains aspects de sa consommation ne manquent pas d'inquiéter quelques esprits chagrins. Outre la dépendance que semble créer le produit, la hausse de la mortalité due au cancer du poumon intrigue fortement les scientifiques. Il faut reconnaître que cette dernière est spectaculaire ; en 1919, la maladie est encore une rareté avec une prévalence de 0,6 cas pour 100 000 décès, le genre de chose que l'on ne voit qu'une fois dans une carrière de médecin. Dans les années 50, elle est devenue le cancer le plus commun après le cancer de l'estomac, avec une prévalence de 31 cas sur 100 000 décès. Les études publiées dans les revues scientifiques, de plus en plus nombreuses, incitent en 1954 le ministre américain de la santé à déclarer "qu'il faut maintenant considérer comme établi le lien entre le fait de fumer et le cancer du poumon".
Une propagande qui s'appuie d'abord sur la publicité mensongère...
Ces propos ne sont pas du goût de l'industrie du tabac, dont les bénéfices sont d'ores et déjà
Le nuage de fumée que soulève la controverse orchestrée par l'industrie du tabac se révèle payant. Ce n'est qu'en 1962 que le gouvernement américain décide de créer un comité d'experts scientifiques chargé d'évaluer les impacts du tabac sur la santé. En 1964, le couperet tombe : le comité indique qu'il existe bel et bien un lien entre le cancer du poumon et la cigarette. En dépit des objections de l'industrie du tabac, qui fait remarquer que la cigarette assure un revenu à de nombreux citoyens américains, le législateur finit par voter le Federal Cigarette Labeling and Advertising Act, qui oblige l'industrie à partir de 1966 à préciser sur les paquets que le produit est potentiellement nocif.
... puis sur les messages simplistes qui sèment le doute
L'industrie du tabac ne se laisse pas abattre par ce coup dur, qui est suivi en 1971 par l'interdiction de la publicité sur les cigarettes à la télévision et la radio. Elle commence par

Les fumeurs passifs : l'iceberg du Titanic
Avec une grande clairvoyance, l'industrie du tabac identifie dès les années 70 la question des fumeurs passifs comme la principale menace qui pèse sur son activité. Que le lien entre fumeur passif et cancer soit reconnu, et c'est tout un nouveau pan de législation qui va accabler la société américaine. Pendant plusieurs années, l'industrie va utiliser le poids de son budget publicité dans les journaux américains pour s'assurer de l'absence d'articles trop explicitement anti-tabac. Malgré ses efforts, le lien entre fumeur passif et cancer sera néanmoins établi formellement en 1986 dans le rapport annuel du comité d'experts scientifiques qui officie depuis 1962. C'est le début de la fin.
Dans les années 90, de nombreux journaux décident ainsi de refuser les financements publicitaires de l'industrie. Au cours des années qui suivent, les procès contre les entreprises du tabac et les interdictions de fumer dans les lieux publics se mettent à pleuvoir. Après 5 décennies de lutte acharnée, l'industrie du tabac voit ses ventes s'effriter dans les pays développés ; en 2006, seuls 24% des hommes et 18% des femmes étaient des fumeurs aux États-Unis, contre plus de 50% des hommes et 35% des femmes en 1965.
The show must go on
Faut-il déduire de cette baise de consommation que tout va mal pour les lobbyistes de l'industrie du tabac ? Ce serait sans doute un peu prématuré. Le marché des pays en développement reste en effet ouvert. De plus, pour ceux qui souhaiteraient se concentrer sur les pays développés, il est possible de recycler sur d'autres sujets les enseignements précieux retirés de 50 ans de propagande contre un consensus scientifique. Le glissement est déjà réalisé depuis quelques années ; ne nous étonnons donc pas de trouver des liens troublants entre certains discours concernant la question climatique et la stratégie passée de l'industrie du tabac. Cette dernière a fait ses preuves !
Pour les esprits soupçonneux de notre temps, qui souhaiteraient ne pas voir les industries s'enrichir aux dépens des intérêts à long terme des citoyens, la vigilance impose de s'intéresser en détail aux sources de financements des scientifiques qui se déclarent "dissidents" et de considérer avec le plus grand scepticisme les théories du complot relayées par la presse et internet. Ce n'est qu'à ce prix que nous pourrons réellement dormir sur nos deux oreilles.
Source : l'essentiel des informations citées ici provient du site très bien documenté Tobacco.org
English version: From tobacco to climate, the reuse of a winning method
Images :
The man who thinks for himself knows... publicité pour les cigarettes Viceroy
AMA says have a cigarette, publicité pour les cigarettes Lucky Strike
dimanche 6 juin 2010
Contribution du grand dégel à la Chaîne Energie de l'Expansion
Le grand dégel est un blog bilingue qui s'intéresse aux nombreuses questions soulevées par le changement climatique, notamment en Europe et en Amérique du nord. Les commentaires y sont appréciés, donc n'hésitez pas à faire part de vos impressions !