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mardi 28 décembre 2010

Devenez vert, adoptez un volcan


Puisque l'heure est au bilan de l'année 2010, je propose une courte période de silence pour célébrer la leçon offerte par le volcan islandais Eyjafjallajökull. Un volcan vaut parfois mieux que toutes les conférences internationales ; certes, ses émissions de CO2 ont été importantes - elles ont été estimées entre 150 à 300 000 tonnes par jour durant la période de son éruption -, mais les émissions des avions qui n'ont pas pu décoller l'auraient été encore plus , puisqu'elles auraient excédé ce niveau d'au moins 40 000 tonnes par jour. Je me demande si l'Islande va pouvoir vendre des crédits carbone rétroactifs ?

dimanche 19 septembre 2010

La phrase... d'un historien

Journées du patrimoine 2010. Nous sommes aux limites de l’ancien duché de Bourgogne, massés devant la cheminée monumentale d’une salle de garde médiévale. Devant nous, le guide, coiffé de ce qui fut sans doute l’ancêtre de la casquette, joue négligemment avec une épée.

« La cheminée que vous avez devant vous est du XVII ème siècle. Elle est donc plus récente que le reste de la pièce, qui date du XIV ème siècle. La raison de cet ajout tardif ? Le froid. Au cours du XVIIème siècle, la France connaît plus de 30 hivers rigoureux, qui incitent à l’ajout massif de cheminées dans les bâtiments antérieurs. Cette cheminée est donc très typique de cette époque. Si vous voulez, on pourrait la comparer aux systèmes de climatisation qui prospèrent depuis la canicule de l’été 2003 et les étés chauds qui ont suivi : il y a 15 ans, bien peu de gens auraient songé à installer la climatisation chez eux. Depuis 2003, c’est devenu commun… »

Il n'y a pas que dans les carottes de glace et les anneaux des arbres que l'on peut voir le climat évoluer ! En Europe, le XVII ème siècle correspond en effet au premier minimum du "petit âge glaciaire" qui durera jusqu'au XIX ème siècle ou (selon les auteurs) le début du XX ème siècle. Quant au début du XXI ème siècle... gageons que les systèmes de refroidissement dans les habitations ont encore de beaux jours devant eux.

dimanche 15 août 2010

Moscou en fumée

Un témoignage en image de notre envoyée spéciale Marie à Moscou, ville drapée depuis plusieurs jours dans la fumée qui serait issue à 80-90% des feux de tourbières drainées.


D'après Wetlands International, les émissions de CO2 dues à l'oxydation de la matière organique des tourbières drainées équivaudrait à 6% des émissions mondiales de CO2. Ce chiffre n'inclut pas l'impact des feux dans ces zones. Les tourbières drainées de la partie européenne de la Russie font partie des plus émettrices au monde, juste après l'Indonésie. En Russie, les feux de tourbière actuels, qui se poursuivent en profondeur, ont peu de chance de s'arrêter avant l'hiver et l'arrivée de la neige.

mercredi 9 juin 2010

Workaholics in your company? Keep your cubicles!

In Europe as in America, open workspace has become increasingly trendy lately. This cannot be attributed to a real eagerness of the workforce, who often finds the concept difficult to handle and complains about its noisiness and its lack of privacy. The main argument, especially in cities with expensive real estate, is usually the cost: in Paris for instance, an open workspace can lead to alleged savings of 10% to 40% on renting expenditure. Not something to be easily disregarded in those tough times!

Yet, before moving from cubicles to open workspace, managers may be well inspired to take a closer look at their energy expenses, especially if the company hosts one or several workaholics.

This is what was discovered by the consultants of the French Environment and Energy Management Agency (ADEME) when they realized the first energy assessment of a brandnew building in Paris, built with the specific aim of minimizing its energy intake. At first, the consultants could barely believe what they saw: instead of the expected model "green" building, they were actually leafing through enormous energy bills! In order to understand what was happening in this place, the building was examined from roof to floor, but no previously undetected energy leak was found. On the other hand, when consulants started to scrutinize the company habits and workforce, they discovered that one of the manager had very peculiar working hours. He was indeed working at night. And unfortunately, the open workspace meant that the presence of one single person was enough to keep the heating and cooling system working outside normal working hours... and hence ruining the energy savings made the rest of the time!

This story is based on a small part of the speech given during a conference (Smart Grid et Smart Homes : évolution ou révolution) held by the Profesionnal Group Centrale-Energies on May 20, 2010.

mercredi 26 mai 2010

Les faiblesses cachées de Kyoto

-1,5% en 2007, -1,9% en 2008, -8,5% en 2009.... Au Royaume-Uni, les émissions nationales de gaz à effet de serre se réduisent comme peau de chagrin. Selon les estimations provisoires du Ministère de l'Energie et du Changement Climatique, le pays est parvenu en 2009 à ramener ses émissions annuelles à 575 millions de tonnes équivalents CO2, ce qui représente une chute de plus de 25% des émissions par rapport au niveau de 1990. Ce résultat dépasse largement l'objectif de -12,5% par rapport à 1990 fixé dans le cadre du protocole de Kyoto et le Royaume-Uni fait donc figure de bon élève dans la cour européenne.

Le maillon faible du protocole
Pourtant, les choses ne sont pas aussi roses qu'elles le paraissent à première vue. Si j'en crois les résultats d'une analyse publiée en janvier 2010 dans le journal scientifique Environmental Science and Technology, le bilan britannique est surtout emblématique de l'un des grands paradoxes du protocole de Kyoto. Certes, entre 1990 et 2004 (la période couverte par l'étude), l'économie britannique s'est décarbonée, notamment grâce à la transition vers une économie plus axée sur les services et qui privilégie l'utilisation du gaz naturel à celle du charbon. Mais cette transition n'a pas impacté à la baisse les habitudes de consommation des Britanniques, qui ont continué à acheter des biens manufacturés. Les biens en question ont simplement eu tendance à être de moins en moins souvent fabriqués au Royaume-Uni et de plus en plus souvent importés de pays non soumis à des obligations de réductions d'émissions dans le cadre du protocole de Kyoto. En tenant compte de ce flux grandissant d'importations, il apparait qu'entre 1990 et 2004, le Royaume-Uni a en réalité vu ses émissions de gaz à effet de serre enfler d'environ 9%, ce qui est fort éloigné de l'objectif fixé par le protocole international.

Bien que cette analyse n'ait pas été réalisée de manière détaillée pour l'ensemble des pays de l'Union Européenne, le cas du Royaume-Uni peut sans doute être comparé à l'arbre qui cache la forêt. A l'heure où les débats internationaux concernant l'après Kyoto font rage, il serait par conséquent de bon ton de réaliser qu'il y a peut-être quelque chose de pourri dans ce protocole...

mercredi 21 avril 2010

Des dangers de l'amour du vin

Pour une raison qui m'échappe, les sceptiques climatiques semblent nourrir une passion dévorante pour la Scandinavie et les zones qui s'y rattachent. Nous avons déjà débattu du cas du Groenland. Mais si j'en crois le commentaire récent d'un lecteur de la France Agricole, la Suède suscite également un engouement qui mérite d'être relevé.

Le point soulevé dans ce journal est le suivant : il y a 1000 ans (durant la fameuse période chaude médiévale), on faisait pousser de la vigne en Suède. Le climat actuel du pays ne le permet pas. Dans ces conditions, comment diable peut-on penser qu'il y a réchauffement climatique ?

Après une petite vérification, il semblerait que l'exemple de la Suède ne soit pas le plus pertinent, puisque la présence au Moyen-Age de vignobles dans certains monastères du sud du pays n'y est pas complètement attestée. Ce qui est sûr en revanche, c'est que cette région accueille aujourd'hui environ 10 hectares de vignes à destination commerciale.

Par ailleurs, l'existence de vignobles au Moyen-Age dans le nord de l'Europe peut être attribuée à des facteurs autres que le climat, tels que la nécessité de produire du vin de messe, moins facile à importer dans un monde où les déplacements étaient à la fois longs et coûteux.

mardi 30 mars 2010

La phrase d'... un chauffeur de taxi

Kiev, Ukraine, 3 décembre 2009.

- Snow? We have no more snow here. It's global hot !

La réponse de mon interlocuteur, un chauffeur de taxi à la quarantaine bedonnante, est précédée d'un énorme éclat de rire. Il faut dire que ma question (you have no snow here ?) n'est certainement pas un modèle d'intelligence : après tout, je suis parfaitement capable de voir qu'il pleut à verse !

Dans les faits, et comme ailleurs en Europe, les Ukrainiens n'ont pas manqué de neige cet hiver. Il n'empêche... mon chauffeur de taxi n'avait pas tout à fait tort. D'après l'institut de météorologie ukrainien, la température moyenne enregistrée en janvier et février a gagné 0,5°C en dix ans. Un saut énorme, largement suffisant pour justifier sa réponse... et son rire face à ma naïveté occidentale.

Image : la cathédrale Sainte Sophie, vue par Sophie

dimanche 21 février 2010

Heading north: the great crop migration

My job is full of numbers. Yields, areas, quotes, temperatures... all take a big chunk of my working day. Most of these figures are predictable. Yet every once in a while, something really unexpected comes into focus.

Scandinavian oddity
This is exactly what happened a few months ago, when I entered for the second year in a row a corn production in Sweden. That piece of information puzzled me. In fact, had it not come from an official source, I would have believed it to be a mistake. Even if corn is grown on a very large scale in countries such as the US, it remains a tropical plant, not well adapted to the coolness of Swedish summers.

Though strange, the few thousand tons of corn produced in Sweden were not revolutionary enough to keep me awake at night. I would probably have forgotten the issue if I had not stumbled across an odd article barely a week later; it described the truly impressive growth of corn acreage in Denmark. As was highlighted in the paper, corn area totalled a mere 20,000 ha at the beginning of the nineties. In 2008, it had risen by almost ten folds. At the same time, the optimal sowing date for the crop had moved backward, from May 1 to April 20. Ten days in twenty years may seem anecdotal, but for an agronomist, this equals to a flashing red light: something is going on there!

Heading north
Quite excited, I decided to have a serious look at the corn data I have for Europe. Here is what I found:

Source: various national statistics offices. The data include both corn for silage and for grain.

In the northern fringe of Europe (namely Denmark and Poland, but also Sweden or the Baltic states), corn acreage has increased very sharply between 1995 and 2009. This also holds true in Germany, where the area allocated to the crop has gained 500,000 ha since 1995. However, as the German area was already quite high in 1995, this implies a smaller change in proportion than in other countries. On the other hand, corn area has stabilized or even decreased in countries of southern Europe (Italy, France, Slovakia, but also Spain or Hungary).

Without too much head scratching, I could thus easily see two things: first, that there seemed to be consistent changes in corn acreage happening both in the north and in the south of Europe. Secondly that situations in the south and in the north seemed to be opposite. As both the north and the south of the European Union are submitted to the same agricultural policy (the CAP), I was left with a growing suspicion that these contrasted changes may well be linked to climate. At this point, I decided to call one of the most prominent specialist of cereal physiology in France and get his point of view on the matter.

My story did not seem to surprise him much; in fact, it corresponded to what he had been monitoring for years. Agricultural species are moving north, as farmers take advantage of a wider growing window - the gap between sowing and harvesting dates. For a plant such as corn, the growing window is long (at least five months). In countries like Sweden, where summers are cool and winters come early, the long growth cycle of corn had until recently prevented any major development of the crop because the plant would not be able to perform its entire growth cycle before the frosts. Yet, as this drawback becomes less important, farmers in northern countries have started introducing the crop onto their farms...

Southern worries

Image: Tuscany

This explanation left me with one serious question: what would happen in southern Europe? If the growing window tended to increase in the north, one would expect that crop development in the south might be more frequently hampered by less auspicious weather events, such as droughts or hot spells. According to my own observations, this already seemed to be the case in several European countries located along the Mediterranean rim, where the area left fallow showed a tendancy towards increasing.

After I had expressed my concerns, there was a deep silence at the other end of the phone line. "This is a real issue, I was finally told. It is very likely at this point that future weather conditions in the south will exceed the adaptive capabilities of a species like wheat. Farmers will probably have to turn to more drought-resistant species. Who knows? In 2030 or 2040, farmers in Italy may well choose to grow sorghum or millet instead of durum wheat..."

If this turns out to be the case, then it is really worth wondering what farmers of more southerly countries, such as Mali or Niger, will be left to cultivate. Millet and sorghum both constitute staple food in Africa today. If these crops move north, answering this particular question might indeed become one of the most important issue of the coming years. If not of the century.

Version française : la grande migration agricole

dimanche 31 janvier 2010

Noir, c'est noir...

Caricature parue dans The Economist

Gueule de bois généralisée

Selon les médias, le principal risque suite à l'échec du sommet de Copenhague serait la démobilisation des populations. Si j'en crois les discours pessimistes et désillusionnés que j'ai entendu ces dernières semaines, le risque est effectivement réel.

Certes, les résultats du sommet de Copenhague ne sont pas glorieux et les hommes politiques impliqués n'ont pas été à la hauteur de l'enjeu. Mais est-ce une raison pour baisser les bras? Pas vraiment. Ce serait en effet oublier un peu vite que ces fameuses émissions de gaz à effet de serre sont essentiellement le résultat des modes de consommation passés et présents des citoyens des pays développés. Autrement dit, vous et moi.

Et ça, contrairement à ce que l'on pourrait croire, c'est une bonne nouvelle : plutôt que de rester impuissant, les bras hérissés de chair de poule, à regarder l'eau monter petit à petit et le sol se craqueler chaque jour un peu plus (on se croirait dans un film catastrophe, non ? je songe à envoyer le script à Hollywood), il nous est possible d'agir concrètement, par des petits gestes qui, mis bout à bout, font une différence. La preuve que ça marche ? Les émissions de l'année 2009 sont estimées en baisse d'environ 3% par rapport à celles de 2008... la crise économique a donc bel et bien contribué à entraîner des changements de comportements suffisants pour que ça se voit !

Le remède contre l'angoisse est donc tout trouvé : au lieu d'attendre que notre voisin fasse le premier pas, voici une liste de dix trucs testés et approuvés à appliquer au quotidien, qui ont un impact réel sur les émissions de gaz à effet de serre individuelles et qui font du bien au portefeuille.

Pour commencer : un ordre de grandeur
Un Français émet en moyenne 2,2 tonnes d'équivalents carbone par an. Ce chiffre est estimé après avoir tenu compte du carbone réabsorbé par les puis naturels, que sont par exemple les forêts et les prairies. Autant annoncer la couleur d'entrée de jeu : ce chiffre est environ quatre fois supérieur à ce qui serait souhaitable selon le GIEC.

D'où viennent ces émissions ?
Elles se répartissaient de la manière suivante en 2005 :



Il s'en suit de manière logique que la principale marge de manœuvre se situe au niveau du transport (26%), talonné par le logement (résidentiel 19%), l'alimentation (19%) et l'achat de biens manufacturés (20%). Ça tombe bien, ce sont tous des domaines sur lesquels il est possible de modifier nos habitudes de consommation.

Vous brûlez de connaître les fameux trucs qui font la différence ? La suite dans ... n'y a t'il vraiment plus d'espoir ? (1)

vendredi 26 juin 2009

La grande migration agricole

Dans mon travail, je brasse beaucoup de chiffres. Trop pour m'arrêter plusieurs jours sur chacun d'entre eux.

Bizarrerie scandinave
Il y a un mois, j'ai cependant été interpellée par le fait que pour la deuxième année consécutive, une production de maïs était répertoriée en Suède. Si cette information n'avait pas été de source officielle, j'aurais cru à une erreur ; le maïs est en effet une plante tropicale. Certes, le développement de variétés septentrionales permet de la cultiver dans l'hémisphère nord. Cependant, elle reste peu adaptée au climat suédois.

Les choses en seraient sans doute restées là si je n'étais pas tombée la semaine suivante sur un article décrivant la formidable progression de la culture du maïs au Danemark : alors que la surface consacrée au maïs atteignait péniblement 20 000 ha au début des années 1990, elle avait presque été multipliée par dix en 2008. Parallèlement, la date optimale de semis s'était décalée du 1er mai au 20 avril. Pour un agronome, une telle information revient à allumer un voyant rouge : 10 jours de décalage d'une date de semis, c'est énorme!

A la conquête du nord
Très intriguée, j'ai donc commencé à regarder les données concernant la surface de maïs de façon détaillée. Voici ce que j'ai trouvé :
Graphique : les données sont issues des offices statistiques des différents pays décrits.

Dans l'extrême nord de l'Europe (Danemark, Pologne, mais aussi Suède et états baltes), la surface de maïs a cru très fortement entre 1995 et 2008. C'est aussi le cas en Allemagne, où la surface a augmenté de 500 000 ha depuis 1995 (ce qui représente proportionnellement une hausse moins importante, car la surface allemande était déjà élevée en 1995). En revanche, la surface de maïs a tendance à rester stable, voire à décroître, dans le sud de l'Europe (Italie, France, Slovaquie, mais aussi Espagne ou Hongrie).

Face à une évolution aussi constante et aussi contrastée entre le nord et le sud d'un continent régi par la même politique agricole, j'ai commencé à soupçonner que ce que j'observais était le résultat d'un changement rapide de climat. J'ai donc appelé l'un des grands spécialistes français de la physiologie des céréales.

Ma remarque ne l'a pas du tout surpris. En fait, elle correspondait à ce qu'il observait depuis des années : une remontée des espèces vers le nord au fur et à mesure que la fenêtre de culture des plantes s'élargissait - la fenêtre de culture correspond à la période qui sépare la date de semis de la date de récolte. Pour une plante comme le maïs, la fenêtre de culture est longue (au moins 5 mois). Dans un pays où les étés sont frais et les hivers précoces, la plante ne pourra donc pas achever son développement avant les premiers froids, ce qui limite singulièrement l'intérêt de la cultiver.

Quid du sud?
Ceci laisse une grande question : qu'en est-il dans le sud de l'Europe? Dans les pays méditerranéens (Italie, Grèce notamment), la surface laissée en jachère a en effet tendance à s'accroître. En Italie, cette hausse de la jachère concerne le sud du pays, où la culture du blé dur ou de l'orge a tendance à être abandonnée.

Mon interlocuteur a marqué un silence. "C'est une vraie question, m'a-t'il finalement dit. Les conditions climatiques qui sont envisagées pour le sud de l'Europe vont probablement dépasser les capacités d'adaptation d'une espèce comme le blé. La solution passe plutôt par de nouveaux assolements, basés sur des espèces plus résistantes à la sécheresse. Qui sait? En 2030, les Italiens cultiveront peut-être du sorgho ou du millet..."

Si c'est le cas, on peut s'interroger sur ce que cultiveront les Maliens ou les Mauritaniens...

English version: heading north, the great crop migration

Image 1 : champ de blé dur en Toscane
Image 2 : champ de sorgho aux Etats-Unis

lundi 26 mai 2008

Nucléaire : le retour en grâce


Signe des temps ?

Après vingt ans d'opprobre national, l'énergie nucléaire semble être en train de renaître de ses cendres en Italie. Le ministre du développement économique Claudio Scajola a en effet annoncé la semaine dernière le relancement du programme nucléaire civil italien, ce qui a immédiatement suscité l'émoi de nombreuses associations environnementales.

Une décision démocratique...

Venant d'un pays qui avait banni l'énergie nucléaire de son territoire lors d'un référendum lancé quelques mois après l'accident de Tchernobyl, cette décision peut paraître unilatérale. Elle est pourtant tout à fait démocratique : ne faisait-elle pas partie du programme électoral de Silvio Berlusconi ? En supposant que les Italiens aient réélu Mr Berlusconi sur la base de ses promesses électorales, force est de constater que l'opinion italienne sur le nucléaire a fortement évolué ces dernières années.

... qui reflète l'évolution des mentalités en Europe

Le regain d'attractivité du nucléaire est d'ailleurs observable ailleurs en Europe : sept ans après avoir décidé la fermeture progressive de leurs centrales d'ici 2020, les Allemands sont en effet en train de relancer le débat sur la pertinence de cette mesure -d'autant plus que la fermeture de ces centrales exigerait d'augmenter encore la part d'électricité produite avec du charbon (1). En Grande-Bretagne, le gouvernement a classé en janvier dernier l'énergie nucléaire avec les autres sources d'énergie peu émettrices de gaz à effet de serre. Quant à la Finlande, elle a décidé la construction d'une cinquième centrale afin d'atteindre les objectifs fixés par son plan-climat.

Un retour en grâce un peu tardif ?

L'Italie aurait donc pris une décision "climatiquement avisée" ? Pas si sûr. La construction d'une centrale nucléaire est un processus de longue haleine - la première centrale nucléaire italienne ne devait pas entrer en fonction avant au moins 7 à 10 ans - et son fonctionnement quotidien ne peut se faire sans un débit suffisant des rivières. Or le débit du Pô, principal fleuve italien, est dépendant de l'état des glaciers des Alpes. Selon une étude d'EDF, le débit estival du Rhône, cousin transalpin du Pô, pourrait diminuer de -20% en moyenne d'ici 2050. Avec des centrales rentrant en fonctionnement vers 2020, on peut donc s'interroger sur la pertinence de la décision italienne... et sur les plans B envisagés en cas de sécheresse estivale régulière.

(1) l'énergie nucléaire et le charbon fournissent respectivement 30% et 50% de l'électricité allemande aujourd'hui selon la Commission Europénne.

Image : centrale nucléaire en France

jeudi 27 mars 2008

To save the planet, eat a whale!

Surprisingly mild temperatures, very little snow, Helsinki’s harbor free of ice… Every time I called my contacts in Denmark, Sweden or Finland during the last few months, they shared new observations confirming that for the second year in a row, Scandinavia was getting through dark months so mild that they could hardly qualify as winter. Warm temperatures made people increasingly uneasy as the winter was drawing near to its end, as it seemed to picture the future of a very different Scandinavia.

Norway, a climate change pioneer

In such a situation, no wonder that Norway, the most Nordic country of Europe, is particularly involved in the battle against climate change. The country made the headlines with the opening of the Svalbard Seed Vault, which offers the opportunity to store seeds from everywhere in the world in a frozen environment. But Norway also received media coverage on a more confidential scale with a recent study published by the High North Alliance, a Scandinavian organization based in the Lofoten, which promotes whale hunting.

An –almost- carbon neutral whale?


Granted, the link between whale hunting and climate change may not seem obvious at first sight. But for really worried citizens, nothing is impossible. That’s why the High North Alliance has just demonstrated that for the same weight, one emits 8 times more CO2 equivalents by eating a beefsteak than by eating minke whale meat (the study doesn’t give figures for blue whale meat). For comparison sake, one might be interested in learning that the consumption of chicken (4.6 kg of CO2 equivalents per kg of meat) generates more than 2 times more greenhouse gases emissions than the consumption of minke whale meat (1.9 kg of CO2 equivalents per kg of meat).

This result might seem surprising, but it’s actually quite simple to explain: 1) on the contrary to beef and chicken, a whale does fortunately not need to be fed with agricultural products such as cereals or soybean. This spares a great deal of greenhouse gases, which would have otherwise been emitted by tractors, fertilizers or the heating of building and 2) on the contrary to beef, a whale doesn’t emit methane, a very powerful greenhouse gas. Should we then conclude from this demonstration that the future lies in whale stew?

The whale’s limitations

This might be a bit premature. Despite the pedagogical advantage of this study, which shows how the food we consume is linked to greenhouse gases emissions, it seems to me that it has curiously neglected to take into account two points that should yet have driven the attention of its authors. The first one is that minke whale stocks –or any other whale stocks for that matter – can hardly be considered sufficient to keep pace with growing meat demand from the world. Besides, it comes as a surprise to find out that the study does not even mention the fact that the consumption of 1 kg of cereals produced in the UK generates in average almost 14 times less emissions of CO2 equivalent than the consumption of 1 kg of whale meat…

Picture: a minke whale

lundi 17 mars 2008

La baleine, nouvel eldorado vert?

Températures anormalement douces, couche de neige inexistante, absence de glace dans le port de Helsinki... Au cours des derniers mois, mes contacts au Danemark, en Suède ou en Finlande m'ont confirmé que la Scandinavie était en train de vivre pour la deuxième année consécutive un hiver qui brille... par son absence. L'enchaînement des records de douceur a fini par entraîner un certain malaise, tant les bouleversements qu'il semble augurer sont importants.

La Norvège, pionnier de la lutte contre le réchauffement climatique

Dans ce contexte, quoi d'étonnant à ce que la Norvège, le pays le plus septentrional d'Europe soit un pionnier dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Après avoir fait récemment la une des journaux lors de l'inauguration de la Banque de Graines du Svalbard, qui permet d'entreposer des graines de tous les pays du monde dans un environnement perpétuellement gelé, la Norvège est de nouveau sur le devant de la scène. Cette fois, l'intérêt médiatique qu'elle suscite est lié à une étude publiée par la High North Alliance, une organisation scandinave basée dans les Lofoten - !!!! - qui promeut la chasse à la baleine.

Une baleine économe en CO2

Je vous accorde qu'à première vue, le lien entre la chasse à la baleine et le réchauffement climatique peut paraître lointain. Mais rien n'est impossible à des citoyens réellement inquiets des conséquences de la hausse des températures sur leur environnement. Fidèle à cette maxime, la High North Alliance vient donc de démontrer qu'à poids égal, l'on émettait 8 fois plus de carbone en avalant un steack de boeuf qu'en avalant un steack de baleine de Minke (l'étude ne précise pas ce qu'il en est si l'on avale de la baleine bleue). A titre de comparaison, on émet également 2 fois plus de CO2 en mangeant du poulet (4,6 kg d'équivalent CO2 émis par kg) que de la baleine de Minke (1,9 kg d'équivalent CO2 par kg).

Ce résultat s'explique facilement : 1) contrairement au boeuf et au poulet, la baleine ne nécessite pas d'être nourrie avec des produits végétaux (céréales, soja) issus de l'agriculture, ce qui représente une économie substantielle en gaz à effet de serre qui aurait autrement été émis par les tracteurs, les engrais et le chauffage des élevages et 2) contrairement au boeuf, elle n'émet pas de méthane (un gaz à effet de serre très puissant). Faut-il donc conclure de la démonstration de la High North Alliance que l'avenir est dans le pot-au-feu de baleine?

Les limites du cétacé

Ceci serait sans doute un peu prématuré. En effet, bien que cette étude ait le mérite de mettre en lumière l'impact de notre alimentation sur les émissions de gaz à effet de serre, elle néglige -délibérément ?- de prendre en compte deux points qui auraient pourtant dû attirer l'attention de ses auteurs : 1) les stocks de baleine de Minke - ou de toute autre baleine, d'ailleurs - peuvent difficilement être considérés comme suffisants pour subvenir aux besoins croissants en viande de la population mondiale et 2) bien que l'étude ne le précise pas, la consommation d'1 kg de céréales produites au Royaume-Uni entraîne en moyenne des émissions d'équivalent CO2 presque 14 fois moindres que la consommation d'1 kg de baleine de Minke. A bon entendeur...

Image: dans la baie de Boston, par Nicolas.

La grande fièvre alpine


Val Thorens, la station de ski la plus haute d'Europe, envisage d'emballer un bout de glacier. L'information, parue dans le Dauphiné Libéré en juin dernier, est restée confidentielle. Pourtant, elle témoigne bien du malaise profond qui secoue actuellement les Alpes.

Des glaciers en détresse...

L'une après l'autre, les études scientifiques confirment en effet ce que les amoureux de la montagne observent depuis des années : les glaciers des Alpes vont mal. Selon une étude suisse parue en 2006, ils ont perdu 1/3 de leur surface et 50% de leur masse entre 1850 et 1980. Et ce n'est pas fini : ainsi que le fait remarquer une équipe de chercheurs franco-suisse, la majorité d'entres eux pourraient bien avoir disparu avant 2100.

... à sauver coûte que coûte

Dans nombre de vallées, ces observations inquiétent. Elles représentent en effet une menace très sérieuse pour la lucrative industrie touristique des Alpes. Si les petites stations se retrouvent acculées économiquement, les stations de plus grande taille tentent quant à elles de sauver leur gagne-pain par tous les moyens, allant s'il le faut jusqu'à emballer une partie de leurs glaciers dans des bâches réfléchissantes pour en limiter la fonte. La méthode est expérimentée depuis deux ans à Andermatt en Suisse et dans le massif du Stubai en Autriche.

Miracle ou mirage?

Miracle de l'inventivité humaine ou effort dérisoire? Depuis le début de ce mouvement de protection des glaciers, le débat fait rage, opposant la prise de conscience potentielle des touristes à la crainte d'une dénaturation de la montagne. En réalité, l'emballage des glaciers alpins fait surtout penser à l'arbre qui cache la forêt. Outre le fait qu'il semble difficilement envisageable de recouvrir la Mer de Glaces d'une bâche, la préoccupation pour la survie des domaines skiables n'est-elle pas dérisoire face à l'impact potentiel d'une fonte des glaciers des Alpes sur le débit de fleuves dont dépendent des millions d'Européens, comme le Rhône ou le Pô?

Image : glacier dans le Massif des Ecrins

lundi 25 février 2008

La saga du yaourt à la fraise

Ceci est un yaourt à la fraise. Un classique de l'alimentation occidentale, au point que rares sont aujourd'hui les personnes qui n'en ont jamais mangé. Depuis 1993 et le travail d'une chercheuse allemande, Stefanie Böge, c'est aussi un produit utilisé régulièrement comme illustration du problème posé par le transport des biens.

Un produit lamba à l'impact climatique disproportionné

Il n'y a pourtant rien de plus anodin que ce yaourt à la fraise disponible au rayon "produits laitiers" d'un supermarché de la région de Stuttgart, en Allemagne. Il est même plutôt chic, avec ses 150 g enserrés dans un pot de verre. On l'imagine relativement cher, probablement apte à satisfaire une clientèle "verte", qui tente peut-être de limiter ses émissions de gaz à effet de serre en baissant le thermostat du chauffage, en mangeant moins de viande ou en troquant la voiture contre le vélo. Cette clientèle ne se doute pas qu'en achetant ce yaourt aux fraises, elle sera indirectement responsable de l'émission de gaz à effet de serre correspondant à un transport total de plus de 8000 km...


Les fraises du yaourt sont en effet originaires de Pologne. Elles ont été transportées jusqu'en Allemagne de l'ouest pour être transformées en confiture, qui sera elle-même acheminée vers le sud de l'Allemagne. Les cultures bactériennes de yaourt proviennent du nord de l'Allemagne, la farine de blé et de maïs des Pays-Bas, la betterave à sucre de l'est de l'Allemagne, l'alluminium du couvercle de mines situées à des milliers de km et les étiquettes pour le pot de verre d'usines situées à 300 km du lieu de vente. Seul le lait et le pot en verre sont produits localement.

La saga du yaourt, un classique des aliments transformés

L'impact climatique disproportionné de ce yaourt aux fraises n'est pas exceptionnel. Aujourd'hui, 80% de nos achats alimentaires concernent des aliments transformés (plats surgelés, conserves, biscuits, pâtes, boissons, yaourts...). En France, le transport des aliments transformés représente le tiers des camions présents sur les routes (d'une manière générale, le transport de marchandises et de passagers représentait 21% des émissions françaises en 2004 et 15% des émissions mondiales en 2000). Par ailleurs, 15% des émissions françaises liées à l'industrie résultaient de la fabrication d'aliments transformés en 2004 (sachant que les activités industrielles étaient alors responsables de 20% des émissions françaises). Face à ces chiffres, il est facile de constater que les rayons de nos supermarchés et hypermarchés sont peuplés de centaines d'équivalents à ce yaourt aux fraises....

Retour aux fourneaux...

Face à ce raz de marée de produits transportés sur des centaines ou des milliers de km, le client "à conscience climatique" de notre supermarché à Stuttgart n'est toutefois pas totalement démuni : le principal ingrédient du yaourt (le lait) est en effet produit localement. Il ne lui reste plus qu'à acheter 1L de lait et à réaliser lui-même son yaourt... en espérant que ce soit la saison des fraises.

Sources :
Image 1 (le yaourt aux fraises, sans doute pas la version supermarché, mais plus appétissant, et qui respecte le principe de non-discrimination des marques)
Image 2 extraite de S. Böge, The well-travelled yogurt pot: lessons for new freight transport policies and regional production, World Transport Policy and Practice, Vol. 1 No. 1, 1995 pp. 7-11.

vendredi 1 février 2008

Champagne!

"Le grand public est extrêmement préoccupé par la question du changement climatique", m'ont déclaré plusieurs Britanniques à la mine grave la semaine dernière.

Venant d'un pays très axé sur les causes environnementales depuis la crise de la vache folle et qui s'est de plus récemment illustré par la publication du rapport Stern, ceci n'a sans doute rien d'étonnant. Pourtant, en Grande Bretagne comme ailleurs, il existe aussi des gens qui se réjouissent du changement climatique : parmi eux, on trouve les viticulteurs.

A première vue, les quelques centaines d'hectares de vignobles anglais peuvent prêter à sourire. Pourtant, en ces temps de crise de la viticulture européenne, la croissance du vignoble anglais est remarquable : à raison d'une hausse de 200 ha par an, la production de vins anglais (à ne pas confondre avec les vins britanniques, qui sont en fait des vins produits à partir de raisins importés) pourrait quadrupler en quelques années et atteindre le chiffre inattendu de 12 millions de bouteilles par an.

Ce développement spectaculaire attire depuis quelques mois de plus en plus d'intérêt. On murmure même dans les coulisses du monde du vin que des grands noms de la Champagne ont récemment traversé la Manche pour venir observer le phénomène de plus près. Et pour cause: alors que les sols du Sud-est anglais ont géologiquement la même origine que les sols champenois, un hectare de terre propre à la viticulture y coûte seulement 13 000€, soit environ 385 000€ de moins qu'en Champagne... En ces temps d'explosion des ventes du célèbre vin pétillant, voilà de quoi en faire réfléchir plus d'un!

Si les conditions climatiques ne sont pour l'instant pas toujours favorables à une production de qualité (quoique les vins pétillants anglais soient de plus présents dans les grandes compétitions internationales), ceci ne devrait pas durer : d'après les études climatiques réalisées sur la Grande Bretagne, les étés chauds et secs devraient devenir plus fréquents, à tel point qu'on estime actuellement qu'un été tel que 2003, marqué par des températures exceptionnellement élevées dans tout l'Ouest de l'Europe, pourrait être considéré comme un été frais en 2070. Voilà de quoi assurer de beaux jours à la viticulture anglaise...

Alors, champagne?

Image 1 : http://www.davenportvineyards.co.uk/images/photos/lyjune.jpg
Image 2 : http://www.bbc.co.uk/food/images/sparkling_300x193.jpg

lundi 6 août 2007

L'indépendance énergétique du Danemark


Une fois n'est pas coutume, je ne vais pas aujourd'hui vous parler des Etats-Unis, mais du Danemark (dont la capitale, pour la dernière fois, n'est pas Stockholm!) .

Il y a quelques temps, j'ai assisté à une conférence donnée par l'ambassadeur du Danemark aux Etats-Unis, Mr. Arne Friis Pedersen. Mr. Pedersen, après nous avoir prévenus avec une honnêteté remarquable que "son travail était de faire aimer le Danemark", nous a donné une analyse détaillée et résolument positive du pays. Après avoir abordé avec habileté la position pour le moins ambigue du pays par rapport à l'Union Européenne, il a indiqué (ce qui m'a fait dresser l'oreille) que le Danemark avait réussi à atteindre le Graal américain, en passant d'une situation de dépendance énergétique à 99% en 1973 à une indépendance énergétique totale en 2006.

J'avoue que l'affirmation m'a laissée assez incrédule. J'ai donc été vérifier sur le site du Danish Energy Autority. Et ce que j'ai trouvé m'a laissée stupéfaite : en 2005 (les derniers chiffres disponibles), le Danemark n'était pas 100% indépendant énergétiquement, mais 156% indépendant, ce qui lui donnait le statut enviable de seul pays de l'Union Européenne à être auto-suffisant sur le plan énergétique!

Seulement voilà : il ne suffit pas d'être indépendant énergétiquement pour posséder une économie décarbonisée. Malgré l'image très "verte" du Danemark (en 2005, le pays a réussi à réduire ses émissions de 6,4% par rapport au niveau de 1990, un succès dont de nombreux pays de l'Union pourraient certainement prendre de la graine!), il n'en reste pas moins que ses émissions de gaz à effet de serre par habitant sont parmi les plus élevées d'Europe.

Comment est-ce possible? L'affreuse vérité, c'est que même les leaders mondiaux de l'éolienne se heurtent parfois à un problème délicat : l'absence de vent. Et dans cette situation, les Danois ont recours, faute d'accès à l'hydroélectricité et à cause de leur position anti-nucléaire, à des générateurs particulièrement polluants, qui consomment des quantités importantes de carburants fossiles. Comme quoi, il y a peut-être bien quand même quelque chose à améliorer dans ce royaume de Danemark...

Photo : Soenderhede un jour d'été, vu par Nicolas

lundi 21 mai 2007

"l'environnementalisme extrême de l'Europe"

L'Allemagne face au changement climatique

Il y a quelques temps, j'ai assisté à une conférence au Centre d'Etudes Européennes d'Harvard. L'orateur, Karl-Heinz Florenz, membre du comité européen responsable des mesures environnementales et du parti chrétien-démocrate allemand, était venu expliquer l'approche de l'Union Européenne vis-à-vis du changement climatique aux étudiants d'Harvard.

Il faut bien l'avouer, la conférence n'était pas passionnante. Le sujet était assez général pour éviter à Mr Florenz de s'engager sur des pentes glissantes et en bon politicien, il en a tiré parti, brossant un portrait optimiste de la politique climatique de Bruxelles. Les choses se sont toutefois légèrement animées au moment des questions. Le public n'était pas né de la dernière pluie et a su appuyer avec une exquise politesse sur les points sensibles de la politique énergétique de l'Allemagne, s'interrogeant entre autres sur l'engagement anti-nucléaire du pays et sur l'absence de limitations de vitesse sur ses autoroutes.

Sceptique climatique

Alors que la conférence touchait à sa fin, l'ambiance feutrée a été brisée par l'intervention d'un jeune homme, qui a apostrophé Mr Florenz :"Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous nous parlez de mettre en place des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre alors qu'il n'y a pas de consensus scientifique sur le changement climatique. Tout ça ressemble à de l’environnementalisme extrême, comme celui qu’a connu l’Allemagne sous les Nazis".

Vous pouvez imaginer l'effet de ce discours dans un établissement aussi prestigieux qu'Harvard. Il y a eu un murmure choqué de la part du public et une salve très sèche de protestations de la part du modérateur. Le jeune homme, réduit au silence, s'est rassis en grommelant. Mr Florenz est resté très calme, probablement parce qu'il lui a fallu un certain temps pour assimiler ce qu'on venait de lui dire. Quant à moi, j'étais aux anges : j'avais trouvé un "sceptique climatique" pur et dur, représentatif d'un courant d'opinion peu facile à rencontrer en Nouvelle Angleterre.

Un vaste complot

A la fin de la conférence, j'ai été voir le jeune homme. Il s'appelait Ivan, était très grand, dégageait une odeur d'alcool et a semblé ravi de me soumettre ses opinions. Il s'est avéré qu'il était un disciple de Lyndon Larouche, un homme politique américain né en 1922. Larouche est un candidat récurent et autoproclamé aux élections présidentielles depuis 1976. Ses thèses sont assez obscures et ont évolué du marxisme à une forme peu claire de capitalisme influencée par l'idée récurrente que les Etats-Unis sont victimes d'un complot planétaire. Son organisation est soupçonnée de pratiquer du lavage de cerveau sur les jeunes gens qui la rallient.

Ivan m'a expliqué qu'il n'y avait pas de consensus scientifique sur le fait que les humains étaient responsables du changement climatique. Il m'a également expliqué que toute cette "fraude" étaient orchestrée par les Nations Unies, qui étaient depuis leur création des adeptes de la théorie malthusienne: nous étions trop nombreux sur cette planète et cela posait problème. Par ailleurs, la possibilité même d’un changement climatique n’était pas compatible avec une vision chrétienne, puisqu’elle insinuait que les activités de l’homme sur terre pouvaient entraîner des effets négatifs. Or, l’homme ayant été créé à l’image de Dieu (on part évidemment du postulat que Dieu est parfait et intrinsèquement bon), une telle hypothèse était une remise en cause fondamentale de la Bible.

La culpabilité supposée des Nations Unies est sans doute une variante de la théorie du complot de Larouche. Cependant, les grandes lignes de cette opinion ne sont pas spécifiques à Larouche. Elles reflètent un point de vue (incluant ou non l'aspect religieux) qui a jusqu'à récemment été populaire à Washington. Il m'a donc semblé important de vous le donner.