L'Allemagne face au changement climatique
Il y a quelques temps, j'ai assisté à une conférence au Centre d'Etudes Européennes d'Harvard. L'orateur, Karl-Heinz Florenz, membre du comité européen responsable des mesures environnementales et du parti chrétien-démocrate allemand, était venu expliquer l'approche de l'Union Européenne vis-à-vis du changement climatique aux étudiants d'Harvard.
Il faut bien l'avouer, la conférence n'était pas passionnante. Le sujet était assez général pour éviter à Mr Florenz de s'engager sur des pentes glissantes et en bon politicien, il en a tiré parti, brossant un portrait optimiste de la politique climatique de Bruxelles. Les choses se sont toutefois légèrement animées au moment des questions. Le public n'était pas né de la dernière pluie et a su appuyer avec une exquise politesse sur les points sensibles de la politique énergétique de l'Allemagne, s'interrogeant entre autres sur l'engagement anti-nucléaire du pays et sur l'absence de limitations de vitesse sur ses autoroutes.
Sceptique climatique
Alors que la conférence touchait à sa fin, l'ambiance feutrée a été brisée par l'intervention d'un jeune homme, qui a apostrophé Mr Florenz :"Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous nous parlez de mettre en place des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre alors qu'il n'y a pas de consensus scientifique sur le changement climatique. Tout ça ressemble à de l’environnementalisme extrême, comme celui qu’a connu l’Allemagne sous les Nazis".
Vous pouvez imaginer l'effet de ce discours dans un établissement aussi prestigieux qu'Harvard. Il y a eu un murmure choqué de la part du public et une salve très sèche de protestations de la part du modérateur. Le jeune homme, réduit au silence, s'est rassis en grommelant. Mr Florenz est resté très calme, probablement parce qu'il lui a fallu un certain temps pour assimiler ce qu'on venait de lui dire. Quant à moi, j'étais aux anges : j'avais trouvé un "sceptique climatique" pur et dur, représentatif d'un courant d'opinion peu facile à rencontrer en Nouvelle Angleterre.
Un vaste complot
A la fin de la conférence, j'ai été voir le jeune homme. Il s'appelait Ivan, était très grand, dégageait une odeur d'alcool et a semblé ravi de me soumettre ses opinions. Il s'est avéré qu'il était un disciple de Lyndon Larouche, un homme politique américain né en 1922. Larouche est un candidat récurent et autoproclamé aux élections présidentielles depuis 1976. Ses thèses sont assez obscures et ont évolué du marxisme à une forme peu claire de capitalisme influencée par l'idée récurrente que les Etats-Unis sont victimes d'un complot planétaire. Son organisation est soupçonnée de pratiquer du lavage de cerveau sur les jeunes gens qui la rallient.
Ivan m'a expliqué qu'il n'y avait pas de consensus scientifique sur le fait que les humains étaient responsables du changement climatique. Il m'a également expliqué que toute cette "fraude" étaient orchestrée par les Nations Unies, qui étaient depuis leur création des adeptes de la théorie malthusienne: nous étions trop nombreux sur cette planète et cela posait problème. Par ailleurs, la possibilité même d’un changement climatique n’était pas compatible avec une vision chrétienne, puisqu’elle insinuait que les activités de l’homme sur terre pouvaient entraîner des effets négatifs. Or, l’homme ayant été créé à l’image de Dieu (on part évidemment du postulat que Dieu est parfait et intrinsèquement bon), une telle hypothèse était une remise en cause fondamentale de la Bible.
La culpabilité supposée des Nations Unies est sans doute une variante de la théorie du complot de Larouche. Cependant, les grandes lignes de cette opinion ne sont pas spécifiques à Larouche. Elles reflètent un point de vue (incluant ou non l'aspect religieux) qui a jusqu'à récemment été populaire à Washington. Il m'a donc semblé important de vous le donner.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire