mardi 28 décembre 2010

Devenez vert, adoptez un volcan


Puisque l'heure est au bilan de l'année 2010, je propose une courte période de silence pour célébrer la leçon offerte par le volcan islandais Eyjafjallajökull. Un volcan vaut parfois mieux que toutes les conférences internationales ; certes, ses émissions de CO2 ont été importantes - elles ont été estimées entre 150 à 300 000 tonnes par jour durant la période de son éruption -, mais les émissions des avions qui n'ont pas pu décoller l'auraient été encore plus , puisqu'elles auraient excédé ce niveau d'au moins 40 000 tonnes par jour. Je me demande si l'Islande va pouvoir vendre des crédits carbone rétroactifs ?

mercredi 22 décembre 2010

Polluer plus pour gagner plus : le scandale du HFC-23

La semaine dernière, l'ONU a attribué 2 millions de crédits carbone à une société chinoise appelée Juhua.

A ma connaissance, la nouvelle n'a pas fait la une des médias. Ce n'est sans doute pas surprenant, car il s'agit à première vue d'un évènement banal dans le cadre du Mécanisme de Développement Propre (MDP pour les intimes) du Protocole de Kyoto. Le MDP vise à permettre à des entreprises de pays développés de financer des projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des pays en développement. En contrepartie de ce financement, les entreprises du nord reçoivent des crédits carbone, qui leur permettent de faire face à une partie des objectifs de réduction qui leur ont été fixés dans le cadre du Protocole de Kyoto.

Quand ce système a été mis en place, il a suscité quelques réserves. Même pour un esprit non rompu aux subtilités du monde de la finance, le risque de dérives fâcheuses était en effet clair. C'est pourquoi les législateurs de Kyoto ont décidé la création d'une entité chargée de valider systématiquement les projets qui peuvent donner lieu à une transaction de crédits carbone. Il a ainsi été stipulé que les projets retenus devaient apporter une vraie valeur ajoutée, c'est à dire qu'ils n'auraient pas eu lieu sans le financement des crédits carbone et ont un impact sur le long terme.

Mais revenons-en à Juhua. Sur le papier, les crédits qui lui ont récemment été attribués correspondent tout à fait aux exigences du MDP. Il s'agit en effet de détruire le sous-produit d'un gaz utilisé dans la fabrication de certains systèmes de réfrigération, qui répond au doux nom de HFC-23. On ne rigole pas avec le HFC-23 : son potentiel de réchauffement global est estimé à 11 700. Ceci revient à dire que rejeter une tonne de ce composé dans l'atmosphère équivaut à l'émission de 11 700 tonnes de CO2. Ceci revient aussi à dire qu'il faut 11 700 crédits carbone pour compenser la destruction d'une tonne de ce produit. Un seul projet HFC-23 permet donc aux entreprises partenaires du nord de compenser beaucoup plus rapidement leurs émissions que si elles finançaient par exemple la capture du carbone d'une centrale à charbon.

C'est là que le bât blesse. Car le coût de destruction d'une tonne de HFC-23 est minime par rapport aux bénéfices liés au commerce de crédits carbone ; certains estiment qu'il est 100 fois inférieur. Ceci encourage les quelques industriels concernés à augmenter leur production de ce sous-produit pour pouvoir revendre des crédits. En 2006, ce trafic a été dénoncé par le New York Times. Depuis cette date, le malaise plane, au point que l'Union Européenne a récemment annoncé qu'elle souhaitait le retrait de la possibilité d'engranger des crédits par le biais du HFC-23. Cette demande a été fort mal reçue par la Chine, qui abrite 11 des 19 projets HFC-23 du monde. Il faut dire que la manne financière est importante pour le gouvernement du pays, qui taxe à 65% les bénéfices engrangés dans le cadre du MDP. Dans ces conditions, il ne faut sans doute pas trop s'étonner de la réaction des officiels chinois, qui ont annoncé qu'à leur grand regret, une telle décision obligeraient les usines concernées à rejeter le gaz dans l'atmosphère...

Si l'on ne peut vraiment être surpris que le gouvernement chinois se batte pour conserver une ressource annuelle estimée à 650 millions d'euros, on peut en revanche s'étonner de la décision subséquente de l'ONU d'attribuer 2 millions de crédits carbone à Juhua. Serions-nous rentrés à pas feutrés dans une nouvelle composante du bio-terrorisme?