lundi 25 février 2008

La saga du yaourt à la fraise

Ceci est un yaourt à la fraise. Un classique de l'alimentation occidentale, au point que rares sont aujourd'hui les personnes qui n'en ont jamais mangé. Depuis 1993 et le travail d'une chercheuse allemande, Stefanie Böge, c'est aussi un produit utilisé régulièrement comme illustration du problème posé par le transport des biens.

Un produit lamba à l'impact climatique disproportionné

Il n'y a pourtant rien de plus anodin que ce yaourt à la fraise disponible au rayon "produits laitiers" d'un supermarché de la région de Stuttgart, en Allemagne. Il est même plutôt chic, avec ses 150 g enserrés dans un pot de verre. On l'imagine relativement cher, probablement apte à satisfaire une clientèle "verte", qui tente peut-être de limiter ses émissions de gaz à effet de serre en baissant le thermostat du chauffage, en mangeant moins de viande ou en troquant la voiture contre le vélo. Cette clientèle ne se doute pas qu'en achetant ce yaourt aux fraises, elle sera indirectement responsable de l'émission de gaz à effet de serre correspondant à un transport total de plus de 8000 km...


Les fraises du yaourt sont en effet originaires de Pologne. Elles ont été transportées jusqu'en Allemagne de l'ouest pour être transformées en confiture, qui sera elle-même acheminée vers le sud de l'Allemagne. Les cultures bactériennes de yaourt proviennent du nord de l'Allemagne, la farine de blé et de maïs des Pays-Bas, la betterave à sucre de l'est de l'Allemagne, l'alluminium du couvercle de mines situées à des milliers de km et les étiquettes pour le pot de verre d'usines situées à 300 km du lieu de vente. Seul le lait et le pot en verre sont produits localement.

La saga du yaourt, un classique des aliments transformés

L'impact climatique disproportionné de ce yaourt aux fraises n'est pas exceptionnel. Aujourd'hui, 80% de nos achats alimentaires concernent des aliments transformés (plats surgelés, conserves, biscuits, pâtes, boissons, yaourts...). En France, le transport des aliments transformés représente le tiers des camions présents sur les routes (d'une manière générale, le transport de marchandises et de passagers représentait 21% des émissions françaises en 2004 et 15% des émissions mondiales en 2000). Par ailleurs, 15% des émissions françaises liées à l'industrie résultaient de la fabrication d'aliments transformés en 2004 (sachant que les activités industrielles étaient alors responsables de 20% des émissions françaises). Face à ces chiffres, il est facile de constater que les rayons de nos supermarchés et hypermarchés sont peuplés de centaines d'équivalents à ce yaourt aux fraises....

Retour aux fourneaux...

Face à ce raz de marée de produits transportés sur des centaines ou des milliers de km, le client "à conscience climatique" de notre supermarché à Stuttgart n'est toutefois pas totalement démuni : le principal ingrédient du yaourt (le lait) est en effet produit localement. Il ne lui reste plus qu'à acheter 1L de lait et à réaliser lui-même son yaourt... en espérant que ce soit la saison des fraises.

Sources :
Image 1 (le yaourt aux fraises, sans doute pas la version supermarché, mais plus appétissant, et qui respecte le principe de non-discrimination des marques)
Image 2 extraite de S. Böge, The well-travelled yogurt pot: lessons for new freight transport policies and regional production, World Transport Policy and Practice, Vol. 1 No. 1, 1995 pp. 7-11.

vendredi 1 février 2008

Champagne!

"Le grand public est extrêmement préoccupé par la question du changement climatique", m'ont déclaré plusieurs Britanniques à la mine grave la semaine dernière.

Venant d'un pays très axé sur les causes environnementales depuis la crise de la vache folle et qui s'est de plus récemment illustré par la publication du rapport Stern, ceci n'a sans doute rien d'étonnant. Pourtant, en Grande Bretagne comme ailleurs, il existe aussi des gens qui se réjouissent du changement climatique : parmi eux, on trouve les viticulteurs.

A première vue, les quelques centaines d'hectares de vignobles anglais peuvent prêter à sourire. Pourtant, en ces temps de crise de la viticulture européenne, la croissance du vignoble anglais est remarquable : à raison d'une hausse de 200 ha par an, la production de vins anglais (à ne pas confondre avec les vins britanniques, qui sont en fait des vins produits à partir de raisins importés) pourrait quadrupler en quelques années et atteindre le chiffre inattendu de 12 millions de bouteilles par an.

Ce développement spectaculaire attire depuis quelques mois de plus en plus d'intérêt. On murmure même dans les coulisses du monde du vin que des grands noms de la Champagne ont récemment traversé la Manche pour venir observer le phénomène de plus près. Et pour cause: alors que les sols du Sud-est anglais ont géologiquement la même origine que les sols champenois, un hectare de terre propre à la viticulture y coûte seulement 13 000€, soit environ 385 000€ de moins qu'en Champagne... En ces temps d'explosion des ventes du célèbre vin pétillant, voilà de quoi en faire réfléchir plus d'un!

Si les conditions climatiques ne sont pour l'instant pas toujours favorables à une production de qualité (quoique les vins pétillants anglais soient de plus présents dans les grandes compétitions internationales), ceci ne devrait pas durer : d'après les études climatiques réalisées sur la Grande Bretagne, les étés chauds et secs devraient devenir plus fréquents, à tel point qu'on estime actuellement qu'un été tel que 2003, marqué par des températures exceptionnellement élevées dans tout l'Ouest de l'Europe, pourrait être considéré comme un été frais en 2070. Voilà de quoi assurer de beaux jours à la viticulture anglaise...

Alors, champagne?

Image 1 : http://www.davenportvineyards.co.uk/images/photos/lyjune.jpg
Image 2 : http://www.bbc.co.uk/food/images/sparkling_300x193.jpg