jeudi 31 mai 2007

Melting Point or how to make global warming fun



Source : http://www.cognitoy.com/meltingpoint

The global warming game

"And then, every kid in the classroom could be given a country, knowing that he would be awarded marks according to his individual economic performance. Of course, everyone would try at first to play on his own, thinking only about his own interest, and everyone would crash! Then, kids would maybe start to understand the importance of teamwork on this issue”, Kent Quirk tells me enthusiastically.

I am sitting with him, his wife Kim and Nicolas on the sunny terrace of a Starbucks Coffee in the “People Republic of Cambridge”, as they teasingly introduced the city. And despite the appearances, Kent is not a teacher discussing new pedagogical methods. He is a software architect and he is introducing the enormous educational potential of Melting Point, a computer game about global warming.

In the shoes of a policy-maker

Melting Point is a serious game dealing with a very complex issue. Kent’s general idea is to give you and me the opportunity to understand better the incredible complexity hidden behind the issue of global warming. Thanks to his game, you’ll be able to put yourself in the shoes of a policy-maker for a moment, by trading-off economic and politic issues to solve the scientific problem of global warming. The game is currently intended as a flash game that takes only a few minutes to do. However, its longer version could also become a very useful tool for policy-makers, as well as a platform to argue about science, allowing to test both the effects of various policies on global warming and the climate response to human activity through more or less optimistic scenarios.

An impressive project

Kent started the creation of Melting Point a year ago, as he became frustrated with the US inertia on the global warming issue. “I thought the Medias were only interested in the controversy and when they acknowledged the existence of the issue, they only focused on a tiny bit of the solution. This was irritating, especially as the size of the problem means that we need to find a real solution to fix it in the next decade or so.” He decided therefore to work on Melting Point on his own for some months.

The result is impressive. It has already driven the interest of Scholastic, a publisher specialized in educational books. Kent will be presenting the flash game version of Melting Point to the public at the Games for Change festival that is to be held in New York City on June 11 and 12. He hopes to attract other potentially interested companies there. Why not yours?

mercredi 30 mai 2007

Le super low-cost à la conquête de l'Amérique

L'arrivée du super low-cost en Amérique

Je viens de lire un article intéressant dans le Los Angeles Times, qui m'a fait réfléchir. A l'origine, l'article n'est pas du tout axé sur la problématique du changement climatique. Il s'agit d'un article économique, qui traite plutôt d'une bonne nouvelle pour les consommateurs : le super low-cost (encore moins cher que pas cher) arrive en Amérique.

La compagnie prise en exemple, Skybus (qui dessert une dizaine de grandes villes américaines), offre apparemment 10 sièges à 10$ sur chacun de ses vols. Les autres sièges sont vendus entre 50 et 175$ l'aller. Comme toujours avec le low-cost, ces prix correspondent à un plancher et le plafond, lui, peut monter très haut, à grand coups de 15$ pour un coussin ou 3$ pour un verre d'eau. Néanmoins, pour un passager sans exigence particulière et prêt à passer plusieurs heures dans un confort minimum, sans boire et sans manger, le billet est environ à la moitié du prix observé sur les compagnies aériennes classiques, ce qui en fait une véritable occasion.

Une décision économiquement rationnelle

C'est le raisonnement que s'est tenu Shahla Salamat, une habitante de Santa Monica, qui a préféré prendre pour elle même et sa famille un vol low-cost Los Angeles-Colombus (Ohio) puis rouler jusqu'à Atlanta en Géorgie plutôt que d'acheter un vol "classique" Los Angeles-Atlanta.

Il suffit de regarder une carte des Etats-Unis pour comprendre que ce trajet est une aberration. Shahla et sa famille ont parcouru 1350 km de plus que nécessaire, soit à peu près la distance entre Paris et Valencia, en Espagne. Pourtant, en terme économique, on ne peut que lui donner raison : Shahla avait le choix entre un trajet Los Angeles-Atlanta à 600$/personne (environ 400€) et un trajet via l'Ohio à 240$/personne (160€). L'économie totale liée au trajet qu'elle a choisi représente environ 2000$, de quoi décider n'importe qui.

L'équivalent des émissions annuelles d'un Canadien pour un weekend

J'ai calculé les émissions de carbone par personne liées à ce voyage, grâce au calculateur d'ICLEI. Le voyage en avion (18460km AR) a généré l'émission de 4,6 tonnes de CO2, soit l'équivalent de la moyenne annuelle d'émissions d'un Canadien. Le trajet en voiture est responsable quant à lui de l'équivalent du cinquième des émissions annuelles d'un Chinois.

Le très bas prix des vols low-cost est dû aux très faibles coûts de personnel et de service de la compagnie aérienne qui les propose. A aucun moment, le prix de l'émission dans l'atmosphère d'une certaine quantité de CO2 n'est pris en compte (ce qui n'est pas spécifique aux vols low-cost). J'ai calculé que pour réduire la différence de prix entre les deux trajets à 30% et amener Shahla à envisager le voyage sur une compagnie classique, qui lui aurait épargné de nombreuses heures de route (et les émissions qui y sont liées), il aurait fallu appliquer une taxe d'au moins 0,03$/km. Le trajet Los Angeles-Atlanta via l'Ohio aurait alors coûté 834$ AR et le trajet direct Los Angeles-Atlanta aurait coûté 1150$.

Sauf que si le trajet avait été à ce prix, il est improbable que Shalah aurait fait le voyage jusqu'à Atlanta. Surtout pour deux jours au mariage d'un cousin.

mardi 29 mai 2007

La bataille de l'après-Kyoto

Caricature de Dan Perjovschi

Débat houleux dans les coulisses du G8

Cette semaine, le protocole de Kyoto est sur la sellette. Son avenir fait en effet l'objet d'âpres négociations internationales dans le cadre de la préparation du prochain sommet du G8, qui se tiendra du 6 au 8 juin à Heiligendamm, en Allemagne.

Quelle suite à Kyoto?

Le fond du problème a été clairement résumé par Mr. Shinzo Abe, premier ministre du Japon, lors d'une conférence de presse la semaine dernière : le protocole de Kyoto a ses limites. La première d'entre elles (et la plus fâcheuse) est qu'il n'a pas permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre mondiales, qui ont plutôt manifesté une tendance à augmenter à un rythme alarmant ces derniers temps. La seconde est qu'il expire en 2012, pour le meilleur ou pour le pire.

Face à ce constat plutôt sombre, l'Allemagne, qui préside cette année les négociations du G8, a proposé un début de plan B, qui consiste entre autres à envisager une réduction des émissions des pays membres du G8 de 50% par rapport à 1990 d'ici à 2050. On s'en doute, les Etats-Unis (dont les objectifs avoués sont loin d'être aussi ambitieux) n'ont pas vraiment apprécié cette initiative.

Une prise de position minoritaire

La situation se révèle toutefois embarassante pour l'Amérique, qui se voit contrainte de faire cavalier seul sur ce dossier. En effet, si la position allemande est soutenue sans surprises par les autres pays de l'Europe de l'Ouest, en particulier la Grande-Bretagne, elle est également appuyée par un allié moins évident, le Japon. L'administration Bush doit également s'accommoder de Nancy Pelosi, la présidente du pouvoir législatif américain, qui a déclaré aujourd'hui lors d'une visite à Angela Merkel qu'elle souhaitait elle aussi des négociations multilatérales sur le climat.

Mais malgré sa position minoritaire, il est improbable que l'administration fédérale admette la nécessité de fixer des objectifs clairs de réduction des émissions dans le domaine climatique lors du sommet du G8. D'après le New York Times, les Allemands semblent maintenant espérer parvenir au moins à un mandat de négociations clair en terme de politique climatique, histoire d'entamer la conférence internationale sur le climat qui se tiendront à Bali en décembre 2007 de façon plus unanime. Vu l'opposition à un tel mandat manifestée jusqu'à présent par les Etats-Unis, ce résultat serait déjà un premier pas historique!

vendredi 25 mai 2007

les enseignements du Clean Air Act

Un nouveau Clean Air Act?

J'ai assisté à une conférence au MIT Energy Club donnée par Michael Bradley, le directeur du bureau d'étude M.J.Bradley&Associates, qui est spécialisé dans le conseil en politique énergétique auprès des entreprises et des gouvernements locaux.

Fort de nombreuses années d'expérience dans le domaine de la politique environnementale, Mr. Bradley a établi un parrallèle intéressant entre la bataille qui fait rage aujourd'hui à Washington sur la question du changement climatique et celle qui a fait rage lors de la mise en place du Clean Air Act en 1970.

De la régulation des Etats à la régulation fédérale

Le Clean Air Act correspond à une série de lois visant à réguler le niveau de pollution aérienne aux Etats-Unis. Dans ses premières versions, le Clean Air Act laissait le soin aux différents Etats de déterminer eux-même le niveau de pollution aérienne qu'ils jugeaient acceptable. Depuis 1970, c'est un organisme fédéral, l'Environmental Protection Agency (EPA), qui est chargé de définir les concentrations maximales acceptables des différents polluants aériens. Chaque Etat est ensuite tenu de faire appliquer sur son territoire des standards au moins aussi contraignants que ceux fixés au niveau fédéral.

Selon Michael Bradley, la situation actuelle au niveau de la lutte contre le changement climatique ressemble fortement au paysage politique que l'on pouvait observer dans les années 60. Faute de législation au niveau fédéral, les Etats-Unis sont aujourd'hui composés d'un patchwork d'initiatives volontaires locales, regroupant souvent des Etats aux intérêts économiques comparables (le Nord-Est, les grandes plaines, les Etats de l'Ouest).

La prise de position du secteur privé

Ces derniers temps, les acteurs du secteur privé ont commencé à joindre leurs voix à celles de tous ceux qui souhaitent une législation au niveau fédéral, créant une dynamique difficile à ignorer à Washington. Face à des niveaux d'exigences très variés, les entreprises nationales se heurtent en effet à un casse-tête sans fin pour s'adapter aux contraintes spécifiques à chaque Etat. Les Etats souhaitent également la mise en place d'une législation fédérale, ainsi qu'ils l'ont montré lors du jugement de l'EPA par la Cour Suprême début avril.

Une législation comparable à celle de l'Union Européenne


On peut imaginer que la législation que l'Etat fédéral mettra en place aura des ressemblances avec le Clean Air Act. D'après Michael Bradley, elle a pour l'instant toutes les chances de s'adresser à l'ensemble de l'économie plutôt qu'à quelques secteurs-clé et d'être basée sur le principe européen du marché carbone. Toutefois, contrairement à ce qui s'est pratiqué dans l'Union Européenne, les permis de pollution seront probablement plutôt vendus aux entreprises que distribués gratuitement.

Reste à savoir quand une telle législation sera mise en place... Michael Bradley est peu optimiste: "il a fallu des années pour que le Clean Air Act soit adopté. Sachant que l'administration actuelle ne fera pas un mouvement dans le sens d'une régulation des émissions, je ne pense pas que nous puissions espérer un vrai changement de politique avant 2009 (année présidentielle aux Etats-Unis)".

mercredi 23 mai 2007

Et la Chine?

Je viens de lire un article alarmant publié le 21 mai dans la prestigieuse revue Proceedings of the National Academy of Sciences, qui devrait amener à une reconsidération des mesures actuelles mises en place pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre.

D'après les auteurs de l'article, les émissions mondiales de CO2 ont crû entre 2000 et 2004 à un rythme de 3,3%, ce qui est supérieur aux prédictions les plus pessimistes utilisées dans les récents rapports du GIEC. Par ailleurs, il semble que depuis 2000, les émissions de CO2 augmentent à un rythme plus élevé que le PIB de nombreux pays. Ceci est révélateur d'une hausse de la consommation d'énergie et de l'augmentation de la part du carbone dans la production énergétique mondiale.

Le club fermé des pays développés, qui est responsable de 77% des émissions de CO2 depuis le début de la Révolution Industrielle, est aujourd'hui rattrapé par des nouveaux acteurs, en particulier la Chine. En 2004, 41% du CO2 relâché dans l'atmosphère a été émis par les pays en développement.

Si une telle progression se poursuit, il deviendra urgent d'envisager un accord international qui inclut la participation des pays en développement. Voilà qui devrait faire très plaisir à l'administration Bush, qui utilise cet argument depuis des années pour ne pas signer le protocole de Kyoto...

mardi 22 mai 2007

1491 ou la fin du mythe du bon sauvage

Walden et le mouvement environnementaliste

Je vis dans le Massachussetts, la terre d’origine de l’un des grands écrivains américains du 19ème siècle, Henri David Thoreau. Thoreau est surtout célèbre pour Walden, une œuvre à caractère philosophique qui décrit sa quête d’un mode de vie plus proche de la nature et en harmonie avec la sagesse indienne.

Thoreau a basé sa réflexion sur l’idée que l’Amérique était initialement habitée par des tribus indiennes peu nombreuses et n’ayant que peu d’impact sur leur environnement. Dans cette vision, le continent américain pouvait se comparer à un vaste jardin d’Eden, qui fut détruit par l’arrivée des Européens. La dégradation de la nature fut tellement importante que dès la fin du 19ème siècle, les habitants des Etats-Unis se montrèrent soucieux d’empêcher l’exploitation de certains espaces naturels uniques et créèrent à Yellowstone le premier parc national au monde.

Cette image édénique de l’Amérique précolombienne a encore des conséquences aujourd’hui. Elle est en effet à l’origine de la philosophie de préservation d’une nature sauvage qui est souvent prônée par le mouvement environnementaliste, incarné par des associations comme GreenPeace.

L'Eden américain, un mythe?

Pourtant, cette image pourrait bien n’être qu’un mythe. D’après 1491, une œuvre de vulgarisation réalisée par un journaliste scientifique acclamée par les critiques, les dernières recherches menées sur le Nouveau Monde devraient nous inciter à réviser radicalement notre vision de celui-ci.

Avant l’arrivée des premiers Européens, l’Amérique aurait été le continent le plus peuplé de la terre. Les Amérindiens avaient développé des civilisations complexes, qui nécessitaient une grande maîtrise de l’environnement. Le Sud-Est des Etats-Unis était ainsi presque entièrement cultivé. Quant aux grandes plaines ou aux forêts du Nord-Est, elles faisaient l’objet d’une gestion très poussée par le feu, qui favorisait la présence de grands herbivores idéaux pour la chasse.

Le cataclysme de 1492

Mais malgré toute la complexité de leurs civilisations, les habitants des Amériques possédaient une faiblesse : ils étaient particulièrement sensibles à des maladies comme la rougeole, avec lesquelles ils n’avaient jamais été en contact. L’arrivée des premiers Européens entraîna une épidémie d’une ampleur historique inégalée. Selon certains chercheurs, 95% de la population américaine fut décimée en un siècle. Ils estiment par exemple que la population du centre du Mexique passa de 22,5 millions d’habitants en 1519, année où Cortès débarqua, à 700 000 habitants en 1620… On imagine l’impact d’une telle perte démographique : les survivants furent subitement privés de l’architecture sociale indispensable au maintien de leurs traditions.

Trop peu nombreux, les Amérindiens laissèrent les écosystèmes soigneusement entretenus par le passé à l’abandon. La forêt gagna du terrain. Faute de chasseurs, les populations de bisons et de pigeons explosèrent littéralement, créant le sentiment d’abondance miraculeuse relatée par les Européens. Les Amérindiens affaiblis rencontrés par les colons laissèrent l’impression de peuples trop « primitifs » pour avoir eu un réel impact sur le continent. Et le mythe pris forme…

Le véritable héritage amérindien

Les recherches résumées dans 1491 sont d’une grande importance. Elles devraient nous aider à dépasser notre nostalgie d’une nature sauvage et vierge et à reconsidérer l’héritage que nous ont laissé les Amérindiens. Leur gestion du continent américain pendant des millénaires semble avoir été généralement fructueuse. Peut-être y a-t-il des leçons à en tirer en ce début de 21ème siècle ?


1491, Nouvelles Révélations sur les Amériques avant Christophe Colomb.
Charles C. Mann. Publié aux éditions Albin Michel. 2007.


lundi 21 mai 2007

"l'environnementalisme extrême de l'Europe"

L'Allemagne face au changement climatique

Il y a quelques temps, j'ai assisté à une conférence au Centre d'Etudes Européennes d'Harvard. L'orateur, Karl-Heinz Florenz, membre du comité européen responsable des mesures environnementales et du parti chrétien-démocrate allemand, était venu expliquer l'approche de l'Union Européenne vis-à-vis du changement climatique aux étudiants d'Harvard.

Il faut bien l'avouer, la conférence n'était pas passionnante. Le sujet était assez général pour éviter à Mr Florenz de s'engager sur des pentes glissantes et en bon politicien, il en a tiré parti, brossant un portrait optimiste de la politique climatique de Bruxelles. Les choses se sont toutefois légèrement animées au moment des questions. Le public n'était pas né de la dernière pluie et a su appuyer avec une exquise politesse sur les points sensibles de la politique énergétique de l'Allemagne, s'interrogeant entre autres sur l'engagement anti-nucléaire du pays et sur l'absence de limitations de vitesse sur ses autoroutes.

Sceptique climatique

Alors que la conférence touchait à sa fin, l'ambiance feutrée a été brisée par l'intervention d'un jeune homme, qui a apostrophé Mr Florenz :"Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous nous parlez de mettre en place des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre alors qu'il n'y a pas de consensus scientifique sur le changement climatique. Tout ça ressemble à de l’environnementalisme extrême, comme celui qu’a connu l’Allemagne sous les Nazis".

Vous pouvez imaginer l'effet de ce discours dans un établissement aussi prestigieux qu'Harvard. Il y a eu un murmure choqué de la part du public et une salve très sèche de protestations de la part du modérateur. Le jeune homme, réduit au silence, s'est rassis en grommelant. Mr Florenz est resté très calme, probablement parce qu'il lui a fallu un certain temps pour assimiler ce qu'on venait de lui dire. Quant à moi, j'étais aux anges : j'avais trouvé un "sceptique climatique" pur et dur, représentatif d'un courant d'opinion peu facile à rencontrer en Nouvelle Angleterre.

Un vaste complot

A la fin de la conférence, j'ai été voir le jeune homme. Il s'appelait Ivan, était très grand, dégageait une odeur d'alcool et a semblé ravi de me soumettre ses opinions. Il s'est avéré qu'il était un disciple de Lyndon Larouche, un homme politique américain né en 1922. Larouche est un candidat récurent et autoproclamé aux élections présidentielles depuis 1976. Ses thèses sont assez obscures et ont évolué du marxisme à une forme peu claire de capitalisme influencée par l'idée récurrente que les Etats-Unis sont victimes d'un complot planétaire. Son organisation est soupçonnée de pratiquer du lavage de cerveau sur les jeunes gens qui la rallient.

Ivan m'a expliqué qu'il n'y avait pas de consensus scientifique sur le fait que les humains étaient responsables du changement climatique. Il m'a également expliqué que toute cette "fraude" étaient orchestrée par les Nations Unies, qui étaient depuis leur création des adeptes de la théorie malthusienne: nous étions trop nombreux sur cette planète et cela posait problème. Par ailleurs, la possibilité même d’un changement climatique n’était pas compatible avec une vision chrétienne, puisqu’elle insinuait que les activités de l’homme sur terre pouvaient entraîner des effets négatifs. Or, l’homme ayant été créé à l’image de Dieu (on part évidemment du postulat que Dieu est parfait et intrinsèquement bon), une telle hypothèse était une remise en cause fondamentale de la Bible.

La culpabilité supposée des Nations Unies est sans doute une variante de la théorie du complot de Larouche. Cependant, les grandes lignes de cette opinion ne sont pas spécifiques à Larouche. Elles reflètent un point de vue (incluant ou non l'aspect religieux) qui a jusqu'à récemment été populaire à Washington. Il m'a donc semblé important de vous le donner.

vendredi 18 mai 2007

La guerre perdue de Georges Bush

Républicain avec une majorité Démocrate

Les temps sont durs pour le président Bush. Depuis l'élection de novembre 2006, qui a renversé les rapports de force dans les deux chambres du Congrès en assurant une majorité démocrate, le débat fait rage à Washington.

Sans surprise, le principal point de friction entre l'exécutif et le législatif concerne la guerre en Irak. Le renversement politique du pays est en effet en bonne partie dû à la perte de confiance d'une opinion publique fatiguée de voir les troupes américaines s'enliser dans le conflit irakien. Mais la politique environnementale de l'administration Bush est aussi un sujet brûlant.

D'après un sondage réalisé par le Pew Research Center en juillet 2006, 51% des Américains désapprouvent la politique environnementale de Washington. Les électeurs ne semblent pas avoir d'opinion très définie sur la politique fédérale dans le cadre du changement climatique (44% de désapprobation, 26% d'approbation et 30% d'indécis), mais ils sont par contre 2 sur 3 à désapprouver clairement la politique énergétique du gouvernement.

"Le sérieux problème" de Georges Bush

Face à une opinion publique réprobatrice et un Congrès qui prépare activement des propositions de lois visant à imposer des standards d'efficacité d'utilisation de l'essence plus contraignants pour l'industrie automobile (au grand dam de cette dernière), Bush se retrouve le dos au mur. Du bout des lèvres, il a admis en janvier 2007 lors de son discours sur l'Etat de l'Union que "le changement climatique était un sérieux problème", reconnaissant ainsi implicitement pour la première fois l'existence du phénomène...

Il ne faut toutefois pas trop lui en demander. Après avoir annoncé dans ce même discours qu'il comptait réduire la croissance prévue des émissions de 20% en 10 ans (en se gardant bien de préciser en termes concrets comment il comptait atteindre cet objectif peu ambitieux), Mr. Bush a renouvellé son refus d'instaurer des quotas d'émissions sur le sol américain lors du sommet Union Européenne/Etats-Unis qui s'est tenu au mois d'avril.

La bataille de l'EPA

Mais si l'administration Bush est restée intraitable sur le terrain international, elle a subi ces dernières semaines une estocade historique au niveau national. La Cour Suprême a en effet tranché début avril en sa défaveur dans un cas juridique qui l'opposait à 10 états souhaitant la mise en place d'un contrôle fédéral sur les émissions de gaz à effet de serre des automobiles.

Le cas impliquait l'Environmental Protection Agency (EPA), une agence fédérale chargée de faire respecter au niveau national les standards d'émissions d'un certain nombre de produits chimiques susceptibles de représenter des sources de pollution. Depuis quelques années, l'EPA refusait de trancher sur le cas du CO2, au motif douteux que son "impact sur l'environnement ne faisait pas l'objet d'un consensus scientifique". Le 2 avril, la Cour Suprême du Massachusetts lui a donné tort et l'a sommée d'exécuter son rôle de contrôle, à moins qu'elle ne soit capable de déterminer scientifiquement qu'une régulation n'était pas nécessaire.

Visiblement, ladite "détermination scientifique" a été difficile à fournir, car le président Bush vient d'annoncer qu'il avait ordonné à son administration de plancher sur la mise en place de standards automobiles. Ceux-ci devraient normalement être prêts fin 2008, soit quelques semaines avant la fin du mandat du président. L'honneur sera donc sauf... Jusqu'à la prochaine bataille.

jeudi 17 mai 2007

l'avion démocratique?

La National Public Radio a lancé depuis quelques semaines en partenariat avec National Geographic une série appelée Climate Connections dont le but est de montrer "comment nous transformons le climat et comment le climat nous transforme". Concrètement, la série se compose de reportages courts qui traitent de sujets variés en lien avec le climat.

J'ai écouté certains de ces reportages et je suis tombée dernièrement sur une enquête réalisée en Caroline du Nord. Il s'agissait de la famille Sheppard, qui essayait de réduire ses émissions de carbone et qui souhaitait avoir une idée du résultat de ses efforts.

Les efforts en question avaient visiblement demandé des sacrifices et ils en étaient fiers. Le couple avait commencé par garder les arbres de son jardin afin que leur ombre rafraichisse un peu la maison et diminue l'usage de l'air conditionné (dans le Sud, c'est un pas important). Ils avaient aussi résisté à la tentation d'acheter une maison plus grande, ce qui avait dû être un gros sacrifice, compte tenu de la pression sociale qui existe sur la question aux Etats-Unis. Ils avaient par ailleurs remplacé toutes leurs ampoules et leur frigo par des équivalents moins gourmands en électricité, avaient pris l'habitude d'étendre leur linge en extérieur au lieu d'utiliser un sèche-linge et essayaient d'acheter des aliments produits localement. Enfin, ils avaient remplacé l'une de leurs deux grosses voitures par une petite Ford Focus, qu'ils utilisaient pour les déplacements fréquents ou longs.

Le journaliste de NPR avait invité le directeur de l'Institut pour l'Environnement de l'Université de Caroline du Nord, Doug Crawford-Brown, à venir donner son avis sur ces actions. Doug s'est montré très impressionné par leurs efforts et après une petite séance de calcul, il a annoncé aux Sheppard qu'ils produisaient environ 14 tonnes de CO2 par an, soit 40% de moins que la moyenne de la Caroline du Nord (et d'après mes calculs, plus de 60% de moins que la moyenne nationale).

A ce stade, il y a eu un flottement dans le reportage, le temps d'entendre les Sheppard manifester leur enthousiasme en arrière plan. De mon côté, j'avais estimé que leurs émissions par personne équivalaient grossièrement à celles de l'Allemagne lorsque Doug a semblé avoir une arrière pensée. Il a posé la question fatidique: "combien de kilomètres parcourez-vous par an en avion?".

Les Sheppard auraient pu se méfier. Mais leur réponse (1 long vol par an pour l'Europe ou la Californie, 1 vol pour la Nouvelle-Orléans et quelques vols dans le cadre du travail) n'avait rien d'extraordinaire, surtout si l'on tient compte du fait que Claudia Sheppard est... Allemande. Ils ont donc répondu très candidement à l'expert. Son calcul les a cloués sur place. "Vos voyages en avion représentent 12,7 tonnes de carbone en plus, ce qui double quasiment vos émissions annuelles".

Subitement, les Sheppard se sont retrouvé dans la moyenne de la Caroline du Nord, voire un peu au dessus. Après tous les efforts qu'ils avaient fait, on comprend que cette découverte les ait rendue un peu amers. Claudia a bien résumé son impression : "ce résultat est extrêment surprenant. Je suis prête à beaucoup de sacrifices, mais je ne peux pas diminuer mon utilisation de l'avion. Il faut bien que j'aille voir ma famille de temps en temps!".

Je la comprend. Mais je ne peux pas m'empêcher de penser que ce résultat aurait été moins surprenant si l'impact réél de l'avion démocratique en terme d'émissions de carbone était un peu plus médiatisé. A quand un équivalent de l'Ecocomparateur SNCF sur tous les sites internet des agences de voyage?

mercredi 16 mai 2007

Introduction



J'habite en Amérique. Celle de Bush. Celle qui a refusé de signer le protocole de Kyoto et dont "le mode de vie n'est pas négociable". Celle qui est responsable d'un quart des émissions de gaz à effet de serre de la planète et sans laquelle nous ne pouvons pas mettre en place un programme efficace de lutte contre le changement climatique. Celle, en un mot, dont dépend en bonne partie l'avenir climatique de la planète.

Cette Amérique, j'en ai beaucoup entendu parler avant d'y habiter, rarement en bien. Probablement en partie parce que mes études en écologie puis en agronomie n'étaient pas de nature à la faire ressortir sous un jour très favorable d'un point de vue européen. Probablement aussi parce "l'impérialisme américain" n'est pas vraiment la tasse de thé des Québecois ou des Français, que j'ai fréquentés successivement ces dernières années.

Pourtant, vue de près, l'Amérique de Bush offre une image contrastée. L'image d'un pays où se produit depuis quelques mois un fascinant renversement d'opinions, qui touche entre autres le problème du changement climatique. L'inertie de l'administration fédérale masque de plus en plus difficilement le début de prise de conscience des Etats-Unis en matière de climat, qui s'accompagne d'initiatives locales variées.

Et si l'Amérique était enfin en passe d'assumer son rôle d'acteur-clé dans la lutte contre le changement climatique?