lundi 26 mai 2008

Nucléaire : le retour en grâce


Signe des temps ?

Après vingt ans d'opprobre national, l'énergie nucléaire semble être en train de renaître de ses cendres en Italie. Le ministre du développement économique Claudio Scajola a en effet annoncé la semaine dernière le relancement du programme nucléaire civil italien, ce qui a immédiatement suscité l'émoi de nombreuses associations environnementales.

Une décision démocratique...

Venant d'un pays qui avait banni l'énergie nucléaire de son territoire lors d'un référendum lancé quelques mois après l'accident de Tchernobyl, cette décision peut paraître unilatérale. Elle est pourtant tout à fait démocratique : ne faisait-elle pas partie du programme électoral de Silvio Berlusconi ? En supposant que les Italiens aient réélu Mr Berlusconi sur la base de ses promesses électorales, force est de constater que l'opinion italienne sur le nucléaire a fortement évolué ces dernières années.

... qui reflète l'évolution des mentalités en Europe

Le regain d'attractivité du nucléaire est d'ailleurs observable ailleurs en Europe : sept ans après avoir décidé la fermeture progressive de leurs centrales d'ici 2020, les Allemands sont en effet en train de relancer le débat sur la pertinence de cette mesure -d'autant plus que la fermeture de ces centrales exigerait d'augmenter encore la part d'électricité produite avec du charbon (1). En Grande-Bretagne, le gouvernement a classé en janvier dernier l'énergie nucléaire avec les autres sources d'énergie peu émettrices de gaz à effet de serre. Quant à la Finlande, elle a décidé la construction d'une cinquième centrale afin d'atteindre les objectifs fixés par son plan-climat.

Un retour en grâce un peu tardif ?

L'Italie aurait donc pris une décision "climatiquement avisée" ? Pas si sûr. La construction d'une centrale nucléaire est un processus de longue haleine - la première centrale nucléaire italienne ne devait pas entrer en fonction avant au moins 7 à 10 ans - et son fonctionnement quotidien ne peut se faire sans un débit suffisant des rivières. Or le débit du Pô, principal fleuve italien, est dépendant de l'état des glaciers des Alpes. Selon une étude d'EDF, le débit estival du Rhône, cousin transalpin du Pô, pourrait diminuer de -20% en moyenne d'ici 2050. Avec des centrales rentrant en fonctionnement vers 2020, on peut donc s'interroger sur la pertinence de la décision italienne... et sur les plans B envisagés en cas de sécheresse estivale régulière.

(1) l'énergie nucléaire et le charbon fournissent respectivement 30% et 50% de l'électricité allemande aujourd'hui selon la Commission Europénne.

Image : centrale nucléaire en France

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Chouette article!

Pas sûr que les Italiens aient élu Berlusconi sur son programme nucléaire... D'ailleurs on ne sait pas trop si c'était différenciant par rapport à son adversaire, Walter.

Une remarque, on peut aussi refroidir une centrale avec l'eau de mer :
http://www.sfen.org/fr/intro/comment.htm
(tout en bas de la page)

Sophie a dit…

Merci pour l'info sur l'eau de mer. Je n'ai pas réussi à trouver l'emplacement prévu des futures centrales (à priori, les 4 centrales italiennes qui ont été arrêtées en 1987 sont trop vieilles pour être remises en marche). Je ne suis même pas sure que cet emplacement soit déjà fixé. Mais compte tenu de la carte hydrologique de l'Italie et de la dichotomie nord-sud en terme d'économie, je pense qu'il n'est pas aberrant d'envisager que les bords du Pô soient utilisés pour faire tourner ces centrales.