jeudi 5 juillet 2007

Petite histoire de l'effet de serre (1)

A force d'entendre des débats contradictoires sur la réalité du réchauffement climatique, on finit presque par en oublier que le phénomène de l'effet de serre est étudié depuis plus de cent ans par les scientifiques et que la possibilité d'un impact humain sur le climat était déjà évoquée à la fin du 19ème siècle. Historique...

L'intuition de Fourier

C'est Joseph Fourier, mathématicien et physicien français (et également préfet de l'Isère _on le saura!) qui émet le premier en 1824 l'hypothèse que la "chaleur obscure" émise par la Terre rencontre plus de résistance lors de sa traversée de l'atmosphère que la chaleur lumineuse émise par le Soleil. En conséquence, la Terre aurait tendance à accumuler de la chaleur. Le raisonnement, bien que prometteur, se heurte cependant à l'imprécision des connaissances de l'époque sur la lumière et Fourier admet être incapable de fournir un modèle mathématique pour expliquer son intuition.

De l'alpinisme à l'effet de serre

Ce n'est qu'une trentaine d'années plus tard que son hypothèse sera étudiée plus en détail par un jeune physicien irlandais passionné de montagnes, John Tyndall.

Tyndall attrape probablement le virus de l'alpinisme lors d'une visite de la Suisse en 1856. Dans les années qui suivront, il fera trois fois l'ascension du Mont Blanc et passera même une nuit au sommet avec une vingtaine de thermomètres (qui ne résisteront pas à l'expérience). Il fera ensuite en 1858 l'ascension en solitaire du Mont Rose (4634 m), et gravira le Weisshorn (4506 m) en 1861 et le Mont Cervin (4478 m) en 1865.

Son amour de la montagne l'amènera tout naturellement à s'intéresser à la météorologie. En 1859, il présente ainsi devant la Royal Society les résultats d'une expérience qui montrent que la "lumière obscure" (les rayonnements infrarouges modernes) est absorbée de façon variée par les différents gaz atmosphériques. Tyndall observe que la vapeur d'eau est le gaz à effet de serre le plus puissant et place en seconde position le dioxide de carbone (C02). Fort de ces observations, il suggère que les périodes de glaciation mises en évidence par le zoologiste suisse Louis Agassiz dans les années 1830 sont liées à des variations dans les concentrations atmosphériques de ces deux composés. Son intuition tombe plutôt juste : on pense aujourd'hui que les phases de glaciation et de déglaciation du Pléiostène sont effectivement liées à des variations des concentrations atmosphériques de la vapeur d'eau et du CO2, même si l'on s'interroge encore sur le phénomène qui a déclenché ces variations.

Tyndall meurt brusquement en 1893, lorsque sa jeune femme lui donne par erreur de l'hydrate de chloral à la place d'une cuillère à thé de magnésium. Au moment de cette tragédie, les connaissances accumulées dans le domaine de la thermodynamique ouvrent la voie au travail d'un chimiste suèdois, Svante Arrhenius, auteur de la première théorie complète sur l'effet de serre.

Les prédictions d'Arrhenius

Arrhenius est depuis toujours passionné par les mathématiques. Fils d'un géomètre de la région d'Uppsala, il apprend à lire par ses propres moyens à l'âge de 3 ans et s'intéresse très jeune à l'arithmétique, qu'il découvre en regardant son père effectuer des additions. Cet intérêt se retrouve dans le traité de 29 pages sur l'effet de serre, qu'il présente en 1896 au London, Edinburgh and Dublin Philosophical Magazine, et dans lequel il reprend 10 000 à 100 000 calculs qu'il a effectués. Dans l''une des sections de son traité, intitulée Calcul de la Variation de Température qui suivrait une Variation donnée du Dioxide de Carbone de l'Air, Arrhenius estime que le réchauffement climatique moyen qui serait obtenu dans le cas d'un doublement de la concentration de CO2 dans l'atmosphère serait de l'ordre de 5 à 6°C. Rétrospectivement, cette estimation est remarquablement proche des prédictions actuelles, qui sont plutôt de l'ordre de 2 à 4,5°C.

Dans un premier temps, Arrhenius porte la responsabilité potentielle des éventuelles variations de la concentration en CO2 sur les éruptions volcaniques. Mais face à la quantité toujours croissante de charbon brûlé par les premières usines de la Révolution Industrielle, il émet en 1903 l'hypothèse que les activités humaines pourraient elles-aussi influencer la concentration atmosphérique de CO2. "Au rythme actuel, écrit-il, il faudra environ 3000 ans pour doubler le niveau de CO2 atmosphérique". Cette fois, Arrhenius se trompe lourdement. Au rythme que nous connaissons aujourd'hui, nous devrions en fait atteindre ce doublement au cours du 21ème siècle, soit moins de 200 ans après les prédictions du chimiste suèdois.

La suite de la saga, de 1903 à 1955 : Petite histoire de l'effet de serre (2)

Sources :

Données historiques : Thin Ice, de Mark Bowen
Photo 1 : Joseph Fourier (désolée pour sa tête applatie) http://physics.mtsu.edu/~wmr/fourier.jpeg
Photo 2 : vous l'avez reconnu, c'est bien sûr John Tyndall
http://www.timbercon.com/History-of-Fiber-Optics/John-Tyndall-Physicist-Big.jpg
Photo 3 : Svante Arrhenius, prix Nobel de Chimie http://www.su.se/content/1/c4/35/74/Arrhenius-1903webb.jpg

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