dimanche 9 mai 2010

Les nuages tu ensemenceras

Dans un premier temps, on pourrait presque croire à une publicité pour dentifrice : John Latham et Stephen Salter proposent de blanchir les nuages. Les deux compères ne sont pourtant pas des as du marketing, mais bien des scientifiques, l'un chercheur au Centre National de Recherche Atmosphérique de Boulder, dans le Colorado aux Etats-Unis et l'autre professeur au département d'ingénierie de l'Université d'Édimbourg en Écosse.


Small is whiter
L'idée qu'ils défendent ne date pas d'hier ; elle a fait l'objet d'une publication de John Latham dans la très prestigieuse revue Nature en 1990. Le concept général en est simple : les nuages sont formés de vapeur d'eau, qui se condense en gouttelettes autour de fines particules solides, appelées "noyaux de condensation". Faisant sienne la devise "égalité", la vapeur d'eau tend à se condenser sur chaque noyau. Dans un nuage riche en noyaux et à quantité de vapeur d'eau égale, les gouttelettes auront donc tendance à être plus petites. Or, à masse égale, plus les gouttelettes d'un nuage sont petites, plus le nuage est blanc et plus il réfléchit les rayons solaires ; il a un albédo plus élevé.

Bonnet d'âne pour les stratocumulus
Dans cette course à l'albédo, les stratocumulus, qui recouvrent 25% à 30% de la surface océanique, notamment dans les régions subtropicales, font souvent figure de cancres. Nuages de basse altitude, ils passent en effet fréquemment leur vie en mer. Or, un nuage est plus riche en noyaux de condensation s'il traverse des terres, où il pourra se charger en poussière et autres résidus volatiles. Face à ce problème existe une solution (relativement) simple : il "suffit" d'ensemencer ces nuages en particules, ce qui permettra d'augmenter leur albédo et nous offrira un répit pouvant peut-être aller jusqu'à 25 ans !

Des vertus cachées du sel de mer
Pour ce faire, Latham et Salter proposent de mettre en place une flotte de machines qui fonctionneraient à l'énergie éolienne et pomperaient l'eau de mer pour la rejeter dans l'atmosphère sous forme de très fines gouttelettes. Ces gouttelettes contiendraient des cristaux de sel, qui joueraient le rôle de noyaux de condensation. Bien sûr, comme les cristaux de sel auraient tendance à retomber rapidement sous forme de pluie, l'effet réfléchissant ne serait que temporaire et son maintien nécessiterait un travail constant des machines. Néanmoins, la méthode présenterait l'avantage d'être flexible (on pourrait moduler le travail des machines à distance et déplacer la flotte en fonction de l'emplacement des nuages) et d'être basée sur des éléments non-polluants, puisqu'il s'agit d'eau de mer et de vent. Par ailleurs, les effets de cette activité pourraient se dissiper très rapidement en cas de problème imprévu.

Tous les chercheurs ne sont toutefois pas aussi enthousiastes que Latham et Salter. Selon une équipe de scientifiques du MetOffice qui s'est penchée sur la question, l'opération pourrait notamment se solder par une forte réduction des pluies au dessus de l'Amérique du sud... ce qui reviendrait à accélérer l'agonie de la forêt amazonienne.

Le débat reste donc ouvert. Mais pour combien de temps ?

Image : ciel des Alpes, vu par Sophie

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