mercredi 27 octobre 2010

La Vie, cette grande farceuse

Amis lecteurs de France, vous êtes des chanceux. En cette période de grève, il vous est en effet possible de profiter pleinement du temps perdu dans les transports pour méditer. Si la réforme des retraites ou l'achat du cadeau de Noël de votre belle-mère vous semblent des sujets trop déprimants, il vous reste toujours la possibilité de vous élever à des considérations plus géologiques, de nature à confirmer que la vie sur Terre est tout sauf un long fleuve tranquille.

La photosynthèse : une arme de destruction massive
Prenons la situation il y 2,3 milliards d'années par exemple. A cette époque, notre planète est marquée par un gigantesque épisode de glaciation, d'une intensité exceptionnelle : les océans sont intégralement gelés. Autant dire que les perspectives d'avenir ne sont pas folichonnes pour les organismes vivants du moment. Il semble pourtant que ces derniers soient au moins en partie responsables de la situation. Environ 200 millions d'années auparavant, leurs lointains ancêtres, des microorganismes appelés cyanobactéries, ont en effet mis en place un procédé révolutionnaire de stockage de l'énergie : la photosynthèse. Le nouveau système est fort ingénieux. Il permet en effet de fabriquer des briques utiles pour la vie (les sucres) en utilisant des ingrédients présents en abondance, à savoir la lumière solaire et le CO2 qui s'est progressivement accumulé dans l'atmosphère du fait d'une forte activité volcanique. A terme, les conséquences de cette géniale invention se révèlent cependant difficiles à maîtriser : pour commencer, le procédé rejette de l'oxygène, ce qui fait disparaître pratiquement toutes les formes de vie de l'époque, pour qui ce gaz représente un poison. Par ailleurs - et c'est nettement plus grave pour les organismes photosynthétiques -, le pompage à grande échelle du CO2 de l'atmosphère à une époque où l'activité volcanique se ralentit se traduit par une chute durable des températures.

Le noir secret du phytoplancton
Les choses ne sont cependant pas complètement perdues. 100 millions d'années plus tard, le dégel s'amorce, probablement grâce à une plus forte activité volcanique. Quelques centaines de millions d'années vont maintenant s'écouler avant que la vie ne soit une nouvelle fois victime de son succès. Cette fois, c'est l'apparition de grands organismes unicellulaires et des premiers organismes multicellulaires (le phytoplancton) qui provoque la crise : ces derniers sont en effet forts actifs en terme de photosynthèse et capables d'incorporer le CO2 dans leur "coquille" de calcaire. A leur mort, le CO2 est entraîné au fond des océans où il sera ensuite décomposé de manière très lente. Les conséquences de ce ralentissement du cycle du carbone ne tardent pas : entre -850 et -630 millions d'années, la Terre traverse une nouvelle période de grand froid. Il faudra de nouveau attendre que les volcans aient permis de remonter suffisamment la concentration atmosphérique de CO2 pour que les choses puissent reprendre leur cours.

La Terre a des gaz
Une fois remises de toute cette glace, les plantes se lancent dans de nouvelles conquêtes, au résultat tout aussi désastreux d'un point de vue climatique. Le peuplement des terres émergées (-360 à -260 millions d'années) se traduit ainsi par une troisième baisse des températures . Par la suite, la vie aura plutôt tendance à favoriser les scénarios de réchauffement, en particulier en cas d'explosions démographiques bactériennes, qui vont entraîner le relargage de grandes quantités de méthane (un gaz à effet de serre très puissant) dans l'atmosphère. C'est probablement ce qui se produit il y a -55 millions d'années, lors de la dernière grande période d'extinction de masse des organismes vivants sur Terre... si l'on excepte l'actuelle.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais somme toute, ce bref retour géologique me semble plutôt réconfortant : certes, dans l'état actuel des choses, il semble indiquer que nous autres humains ne sommes pas en train d'inventer la poudre en impactant le climat terrestre. Toutefois, il permet également de toucher du doigt le fait que nous sommes au minimum plus créatifs que des bactéries. Tout le monde n'est pas capable de modifier la concentration atmosphérique de plusieurs gaz à effet de serre en même temps !

Image : la Terre vue par l'équipage d'Apollo 8 (source : NASA)

dimanche 17 octobre 2010

A Isesaki, les barbes ne sont pas vertes

Il n'y a pas de petit profit quand il s'agit de lutter contre le gaspillage d'énergie et le réchauffement climatique. C'est du moins ce que l'on pourrait déduire en apprenant la récente interdiction du port de la barbe pour les agents du service public de la ville d'Isesaki, au nord-est du Japon.

L'approche s'inscrit dans le cadre du Cool Biz, une campagne nationale appliquée chaque été depuis 2005. Celle-ci vise à réduire la consommation d'énergie liée à l'air conditionné en promouvant la hausse des thermostats et l'adoption de tenues moins formelles que le costume-cravate pour aller travailler. Si les résultats de la mesure semblent réels (1,14 millions de tonnes de CO2 auraient été économisées en 2006, soit l'équivalent des émissions de 2,5 millions de ménages japonais pendant 1 mois), on voit mal en quoi le port de la barbe pourrait se révéler de nature à augmenter fortement la consommation d'énergie estivale du Japon, d'autant plus que cette perte devrait être logiquement compensée par des besoins moindres en chauffage durant l'hiver... Selon le Guardian, les origines de cette interdiction seraient plutôt à rechercher dans le fait qu'au Japon, le port de la barbe est historiquement considéré comme un signe de pouvoir ou d'agressivité.