mercredi 14 juillet 2010

S'il ne reste plus qu'un dernier choix...

La comptabilisation détaillée de "l'empreinte carbone" liées à chacune de nos activités ne fait que débuter. A terme, cela risque d'impacter nos décisions dans les domaines les plus improbables. Le choix d'une technique funéraire pourrait ainsi devenir un vrai casse-tête. Au Royaume-Uni, un pays qui joue le rôle de laboratoire européen sur la question climatique depuis quelques années, la crémation est d'ores et déjà sur la sellette : d'après Carbon Trust, une organisation aidant à accélérer la transition vers une économie neutre en émissions, elle entraînerait l'émission de 150 kg de C02, soit l'équivalent d'un aller Paris-Marseille en voiture de taille moyenne. Par ailleurs, une crémation entraînerait l'émission de quantités non négligeables de mercure, provenant essentiellement des plombages dentaires. L'alternative évidente (l'inhumation) pose également des problèmes difficiles à résoudre, dont la question délicate de l'espace disponible.

Par chance, dans ce domaine comme dans tant d'autres, certains se montrent inventifs. Une passionnée de jardinage suédoise propose par exemple de congeler les corps dans le l'azote liquide, puis de les réduire en poudre. Émissions de CO2 dues à l'opération : 50 kg. Pour les gens qui souhaitent une technique encore plus originale, il reste la solution de la dissolution dans de l'hydroxide de sodium à 180 °C (66 kg de CO2 émis). Enfin, pour ceux qui auraient la fibre entrepreneuriale, rien ne vous empêche de mettre en place votre propre technique : il existe visiblement un marché !

Photo : le cimetière de Lihme, Danemark, vu par Nicolas

vendredi 2 juillet 2010

Les océans tu fertiliseras

Ces derniers temps, la fertilisation des océans est devenue un sujet très sensible et épineux. A tel point que j'ai hésité à appeler ce post "chronique d'une idée avortée".

L'idée initiale semble pourtant de nature à faire vibrer de nombreux ingénieurs et financiers. Il s'agit de rajouter du fer dans des zones océaniques qui sont caractérisées par de faibles concentrations en ce nutriment indispensable à la photosynthèse. Par ce biais, on favorise la multiplication du phytoplancton, qui va absorber du CO2 pour croître. En mourant, une partie de ce phytoplancton rejoindra le plancher océanique, entraînant avec lui le CO2 absorbé. Selon une analyse parue en 2009, on pourrait de cette manière diminuer de quelques ppm la concentration en CO2 de l'atmosphère (-15 ppm pour une concentration supposée de 700 ppm en 2100 ou un peu plus de 30 ppm pour un scenario de 800 ppm de CO2 en 2100).

Voilà pour la théorie. Dans la pratique, l'idée soulève toutefois de nombreuses interrogations et inquiétudes. La première est l'efficacité réelle de la méthode, qui n'a jusqu'à présent été testée qu'avec des quantités modérées de fer et sur des périodes inférieures à un mois. Par ailleurs, les conséquences d'une explosion des populations de phytoplancton dans des zones normalement pauvres en biomasse sont difficiles à prévoir. Enfin, la masse de phytoplancton mort qui tombe au fond des océans sera pour la majorité reminéralisée dans le futur et le CO2 sera alors relâché dans l'atmosphère, ce qui diminue singulièrement l'intérêt de la méthode.

Les façons cavalières de certaines start-ups positionnées sur le créneau de la fertilisation océanique ont contribué à cristalliser ces inquiétudes. C'est notamment le cas de Planktos, une société californienne qui a défrayé la chronique en 2007. L'entreprise avait en effet annoncé son intention de répandre 600 tonnes de fer dans les environs des îles Galapagos. L'annonce avait provoqué un tollé, l'action ne paraissant pas légale au regard des lois américaines, qui interdisent le relargage sans permis de matériel chimique à la mer. Face à ces attaques, Planktos avait annoncé que l'opération serait effectuée sous un pavillon de complaisance, se mettant de ce fait hors d'atteinte de la juridiction américaine. La société a sombré avant de pouvoir mettre ses projets à exécution, faute de financements.

L'épisode a laissé des traces profondes dans le monde de la géo-ingénierie. Il s'est notamment soldé par une modification de la Convention de Londres de l'Organisation Maritime Internationale, qui régit le relargage de déchets dans les océans. Cette dernière spécifie maintenant que les activités de fertilisation des océans à des fins autres que la recherche ne devraient pas être autorisées. D'ailleurs, même les activités de recherche sur la question ne sont plus vues d'un très bon œil, ainsi que l'ont démontré les réactions peu positives lors du lancement en 2009 de l'expédition expérimentale d'une équipe de l'Alfred Wegener Institut de Bremerhaven en Allemagne... Ce mouvement de défiance est-il temporaire ? Seul l'avenir le dira. Dans l'immédiat, il semble en tous cas que les océans peuvent rester anémiés. Et c'est sans doute tant mieux.