lundi 30 juillet 2007

Le scepticisme climatique : une opinion très largement influencée par la politique

Ils sont partout : sur les blogs, sur les forums de discussion, dans les journaux et dans la rédaction des articles de Wikipedia. "Ils', ce sont les "sceptiques climatiques", les représentants d'un courant de pensée qui reste encore très important aux Etats-Unis.

Si le changement climatique est aujourd'hui perçu comme une réalité par une majorité des Américains, ses causes sont encore fortement débattues : en janvier 2007, seuls 53% de la population américaine pensait que le réchauffement était lié aux activités humaines. Tour d'horizon d'un point de vue souvent étroitement lié à des convictions politiques...

  • Dans l'esprit des sceptiques, le réchauffement climatique est une idée de gauche (bien qu'il reste à déterminer comment un phénomène physique peut manifester une affiliation politique). En sa qualité de "gauchiste", la personne qui considère que le CO2 émis lors des activités humaines est responsable d'une augmentation moyenne de la température terrestre est donc assimilée aux altermondialistes, aux environnementalistes et aux communistes (plus précisément aux Stalinistes). L'idée sous-jacente à ce classement étroit est que le "réchauffiste" est un fervent adversaire de l'économie de marché et du capitalisme (donc un non-patriote) et qu'il souhaite ardemment imposer un régime coercitif sur la population américaine au nom du sacro-saint Environnement.
  • Les anti-effet de serre ont une dent contre le GIEC. Le panel d'experts est composé selon eux de "non-scientifiques" et de gens politiquement biaisés en faveur d'un impact humain sur le climat (pour information, non seulement le GIEC est bel et bien composé de scientifiques, mais certains éminents sceptiques, comme Patrick Michaels, en font partie. La majorité des scientifiques s'accordant sur le fait que les activités humaines sont responsables d'une augmentation de l'effet de serre, le GIEC reflète ce consensus). Les sceptiques remettent particulièrement en cause le fait que les conclusions du GIEC s'appuient sur des modélisations informatiques, ce qui leur parait une source d'erreur et de simplification.
  • L'existence d'un réchauffement est généralement admise. Ce qui pose problème, c'est le concept que les êtres humains puissent y être pour quelque chose. En conséquence, les sceptiques consacrent une énergie considérable à appuyer lourdement sur les moindres brêches observées dans les derniers résultats de la recherche climatologique et brandissent comme des étendards leurs théories alternatives. Leur préférée est sans doute l'idée émise par le Danois Henrik Svensmark que les variations climatiques sont le résultat de cycles solaires. Bien que présentant indéniablement un certain mérite, cette théorie concerne toutefois des cycles de 11 ans en moyenne et ne peut donc pas vraiment expliquer des variations à long terme (ce que les sceptiques ont tendance à passer sous silence).
  • Les anti-réchauffement confondent régulièrement météo et climat (ils ne sont pas les seuls) : ils écriront ainsi triomphalement les jours de neige ou de pluie pour annoncer "qu'ils vous avaient bien dit que toute cette histoire était une fraude".
  • Enfin, les sceptiques se targuent d'être des libres-penseurs. Contrairement au reste de la population américaine, ils ne tombent pas dans "l'hystérie collective". Leur modèle? Galilée, qui en défendant opiniâtrement le fait que la Terre tourne autour du Soleil, a démontré que l'on peut être seul contre tous et avoir raison. C'est vrai, mais c'est faire bien peu de cas du fait que la science avance d'une manière générale par consensus...
Photo : http://unitedcats.files.wordpress.com/2007/05/global_warming-_proof.jpg

vendredi 27 juillet 2007

From coal to Coke: the improbable path


"If we don't solve the coal problem, we cannot solve the climate problem" said Princeton physicist Robert Williams to Science in a recent interview.

Climate's biggest challenge

As China keeps putting two new coal-fired power plants online each week and the 600 coal facilities of America are responsible alone of roughly 30% of the 7 billions metric tons of CO2 emitted each year (more than the emissions of all the cars and other industries of the country combined), coal looks indeed more and more like one of the biggest challenge of the climate issue.

The trouble with coal is that no one really wants to get rid of an energy source which is four to five times more abundant than oil, cheap and for once ideally distributed among developed countries (1) instead of being found in improbable locations plagued with chronic political instability.

But as the idea of a near-term cap on carbon dioxide emissions gains support in America, the industry of the by-far-dirtiest-of-all-fossil-fuel (2) is submitted to more and more intense scrutiny. This sudden awareness has prompted a rising interest in the currently only known solution to the coal-fired plants emissions problem: the carbon capture.

Carbon capture: a simple concept plagued with technical challenges

In theory, carbon dioxide capture is pretty simple: one grabs the CO2 emitted by the coal combustion before it gets vented into the atmosphere. But the concept is actually tricky. Current off-the-shelf technologies need at best to be submitted to a thorough improvement if the plant is still supposed to be profitable.

The technique that would be the easiest to implement on most existing plants consists in using a molecule called monoethanolamine (MEA) to bind the CO2 right after the coal combustion and thus to separate it from the other gases emitted by the plant. But in order to capture 96% of the plant's CO2 emissions, 40% of the energy previously sold to the public would have to be used... which would raise the electricity bills by 36% or more! With improved efficiency, the technique should still not permit the capture of 90% of the CO2 emissions without cutting the net output of the plant by 30%.

From coal to Coke

And even if the technical problems got solved, a daunting question still remains: what are we going to do with all this CO2? The coal-fired plant of Warrior Run in Maryland found an interesting answer to this question: the 5% of its CO2 emissions that actually get captured are sold to beverages gas distributors and then incorporated in your Coke. Too bad that no one seems to have realized that unless the Coke bottle is never open, the CO2 that has been so painfully trapped is going anyway to take a short cut to the atmosphere...

(1) Coal known reserves are found in the United States (25.4%), the ex-URSS (23.4%), Europe (12.4%), China (11.6%) and India (8.6%).

(2) For the same amount of energy produced, coal emits 25% more CO2 than oil and 40 to 50% more CO2 than natural gas.

Sources:
Making Dirty Coal Plants Cleaner, Science, 13 July 2007, pp. 184-186
Le Plein s'il vous plait! by Jean Marc Jancovici and Alain Grandjean

Photo:
itsgettinghotinhere.org/tag/uncategorized/

jeudi 26 juillet 2007

Petite histoire de l'effet de serre (3)

Le CO2 revient de loin. Après avoir fasciné les scientifiques du 19ème siècle, il a eu droit (comme tous les grands de ce monde?) à sa traversée du désert. Mais grâce au travail rigoureux du physicien américain Gilbert Plass, la théorie de l'effet de serre revient sous la lumière des projecteurs à la fin des années 50 : pour la première fois depuis plusieurs décennies, les impacts potentiels du fameux gaz atmosphérique intriguent à nouveau la communauté scientifique.

Une théorie qui demande à être démontrée

L'ennui, c'est que la théorie de Gilbert Plass reste... une théorie. De son propre aveu, elle ne pourra être vérifiée que lorsque l'on disposera 1) de la tendance suivie par les températures terrestres au 20ème siècle et 2) de la démonstration que la concentration de CO2 atmosphérique a bel et bien augmenté au cours du même siècle.

La grande découverte de Keeling

S'il faudra attendre l'an 2000 pour pouvoir officiellement annoncer que la Terre s'est réchauffée de 0,6°C au cours du 20ème siècle, l'augmentation de la concentration de CO2 dans l'atmosphère sera quant à elle rapidement observée par un jeune chercheur de Caltech, David Keeling, qu'on peut sans risque qualifer d'obsédé du CO2.

En 1954, Keeling (un bricoleur) réalise à la main un instrument de mesure de la concentration du CO2 atmosphérique. Armé de ce précieux outil, il va se mettre à prendre des mesures compulsives de son gaz fétiche. Cette obsession l'amènera à une découverte capitale: il réalise que contrairement à la croyance collective, la concentration atmosphérique du CO2 est une valeur planétaire et non pas locale. Ceci implique que l'on peut mesurer précisément la concentration du gaz à partir d'un seul site. Ce site, ce sera Mauna Loa, à Hawaï, l'archipel le plus perdu de la planète. Les mesures commencent en 1958 et voici ce qu'elles montrent :

Un tel résultat est de nature à mettre un scientifique en alerte. Keeling ne fera pas exception. Dès 1959, lorsqu'il constate l'augmentation de la concentration de CO2 atmosphérique pour la première fois, il prend rendez-vous avec Guy Callendar, le défenseur de la théorie de l'effet de serre envers et contre tous et celui qui connaît le mieux le sujet. Ensemble, ils estiment que le niveau préindustriel de CO2 atmosphérique était probablement de 290 ppm.

Hansen, de Vénus à la Terre

La concentration atmosphérique de CO2 frôle les 340 ppm lorsqu'un brillant physicien et astronome américain fait une entrée remarquée sur la scène du changement climatique. James Hansen (encore lui) est initialement un spécialiste du climat de notre voisine Vénus. Par le plus grand des hasards, ce domaine de recherche fait également de lui un spécialiste de l'effet de serre, car Vénus (qui a peut-être eu un climat comparable au nôtre dans le passé) est aujourd'hui caractérisée par une très forte concentration de carbone dans son atmosphère. En conséquence, elle possède des températures 350 000 fois plus élevées que celles observées sur Terre.

Hansen, bien que très satisfait de se consacrer à une planète autre que la sienne, accepte en 1975 de participer à un projet ambitieux de modélisation de l'influence des gaz à effet de serre sur le climat terrestre. C'est le déclic : se rendant rapidement compte qu'il est bien plus intéressant scientifiquement de se consacrer à une planète dont le climat est en pleine modification, Hansen abandonne définitivement ses recherches sur Vénus en 1978 et se consacre à temps plein à la planète bleue.

Les sombres prédictions de l'astronome

Dès 1979, il crée une révolution en publiant une étude qui prédit qu'un doublement de la concentration de CO2 atmosphérique par rapport au niveau pré-industriel devrait résulter en un accroissement moyen de la température terrestre de 4°C, soit une température supérieure à celle observée il y a 100 millions d'années, lors de l'âge des dinosaures... Ce réchauffement est 2°C plus élevé que celui estimé en 1967 par Suyukoro Manabe, le seul chercheur à avoir réalisé une étude aussi complète que la sienne.

Face à l'émoi suscité par cette prédiction, le président Carter va demander la création d'un panel d'experts chargé d'estimer la validité scientifique de ces deux études. Le panel conclura à un réchauffement compris entre 1,5 et 4,5°C en cas de doublement de la concentration atmosphérique de CO2 (ce qui est très proche des conclusions actuelles de son descendant, le GIEC).

Vostok ou la fin d'un débat

En 1987, année où le GIEC est officiellement créé, l'importance du CO2 dans les variations de la température planétaire est élégamment démontrée par une équipe franco-russe, qui présente dans Nature les résultats obtenus lors de l'analyse d'une carotte de glace de 2033 mètres, extraite à la station antarticque de Vostok.


Ces résultats montrent de façon limpide que les températures et la concentration atmosphérique de CO2 se sont suivies étroitement au cours des 160 000 dernières années. De plus, l'effet de serre généré par la concentration atmosphérique de CO2 est de la bonne magnitude pour expliquer les changements de températures observés. Pour la majorité des scientifiques, cette démonstration clôt le débat : une augmentation de la concentration atmosphérique de CO2 entraîne bien un accroissement de la température terrestre. Et lorsque les activités humaines sont responsables de la combustion de l'équivalent de plus de 400 ans de toute la végétation terrestre en moins d'une année (comme c'est le cas en ce moment), et devraient entraîner un doublement de la concentration de CO2 atmosphérique pré-industrielle aux alentours de l'an 2025, il devient difficile de nier que l'homme a bel et bien un impact sur le climat!

Du débat scientifique au débat politique

Mais au moment même où le débat scientifique se clôt, une guerre sans merci débute. Le CO2 vient de faire une entrée remarquée en politique...

Pour ceux qui n'ont pas suivi...

Les interrogations du 19ème siècle : Petite histoire de l'effet de serre (1)
La grande traversée du désert, de 1903 à 1955 : Petite histoire de l'effet de serre (2)

Sources :

Données historiques : Thin Ice, de Mark Bowen
Graphe 1 : Evolution de la concentration atmosphérique de CO2 dans l'atmosphère ou courbe de Keeling, http://www.wooster.edu/geology/lackey/110.html
Graphe 2 : L'étroite relation entre concentration atmosphérique de CO2 et températures démontrée par la carotte de glace de Vostok
http://www.sierraclub.ca/national/programs/atmosphere-energy/climate-change/ten-myths.html

lundi 23 juillet 2007

Floride : paroles, paroles...

Décidément, rien ne va plus au parti Républicain. Voilà maintenant que le gouverneur du quatrième Etat le plus peuplé du pays s'affiche comme un défenseur de la cause climatique !

Charlie Crist, gouverneur de l'Etat de Floride, vient en effet d'annoncer qu'il comptait mettre en place un plan ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la péninsule. L'objectif affiché est de diminuer les émissions de 25% par rapport au niveau de 1990 d'ici 2025 et de les réduire à 1/5ème de leur niveau de 1990 d'ici 2050.

Pour atteindre ces objectifs, le gouverneur semble envisager le recours à la fameuse recette-miracle de la chasse au gaspillage (qui demande encore à faire ses preuves). Il veut ainsi promouvoir une meilleure efficience énergétique des usines, des bâtiments et des véhicules de Floride et a insisté sur la place (plus) importante qu'il compte accorder aux énergies renouvelables comme le solaire.

Un Etat particulièrement vulnérable

Il est vrai qu'à priori, la Floride a beaucoup à perdre en cas de réchauffement climatique majeur : avec une altitude moyenne de 30 mètres et plus de 2000 kilomètres de côtes, l'Etat est particulièrement vulnérable à la montée du niveau des eaux. Les 2/3 de ses précieuses plages, qui sont aujourd'hui sa principale source de revenue, pourraient d'ailleurs avoir disparu en 2100, entraînant avec elles la perte de richesses naturelles comme les Everglades ou les récifs coraliens (qu'adviendra-t'il de Disneyworld?). Selon l'étude réalisée par l'Union of Concerned Scientists, certaines zones de l'Etat seront également susceptibles de connaître de longues périodes de sécheresse, tandis que l'intensité des tempêtes tropicales pourrait augmenter. Selon le New York Times, il y a d'ores et déjà en Floride beaucoup de propriétaires qui peinent à trouver une compagnie disposée à les assurer...

Les ambitions du gouverneur Crist s'inscrivent dans la nouvelle mouvance républicaine

L'action du gouverneur Crist vise clairement à lancer son Etat et lui-même sur les traces de politiciens d'affiliation républicaine dont la prise de position en faveur de l'environnement a été très médiatisée ces derniers temps, comme le gouverneur de Californie Arnold Schwarzenegger ou le maire de New York City Michael Bloomberg. Mais ses déclarations ambitieuses seront-elles vraiment suivies dans la pratique par une véritable réduction des émissions?

De la théorie à la pratique : le grand fossé

Selon le New York Times, celà reste à vérifier. Pour commencer, il semble improbable que la Floride mette réellement en place des standards de consommation énergétique des véhicules, car elle n'y est pas autorisée sous la réglementation fédérale actuelle (et même si elle l'était, elle serait selon toute probabilité bloquée par la bataille légale qui continue à faire rage entre les Etats et l'Environmental Proctection Agency).

D'autre part, le manque d'enthousiasme de la population vis à vis de ces mesures rend leur pérennité douteuse. Les actions promues par le gouverneur d'un Etat peuvent en effet très bien être annulées par son successeur. Dans un système démocratique, seul un vrai support populaire peut assurer le maintien d'engagements politiques, surtout si ceux-ci sont censés s'étaler sur les quatre prochaines décennies.

Un tel support faisant pour l'instant défaut en Floride, il y a fort à parier que les engagements du gouverneur Crist ne seront guère plus que des mots. Il reste à espérer que lesdits mots inciteront les instances fédérales à se pencher enfin sérieusement sur le problème climatique. Pour que l'Etat du Soleil ne devienne pas la Venise de l'Amérique.

Photo : http://blog.bmykey.com/immobilier/

vendredi 20 juillet 2007

An insight into a warmer future?

MILK and DAIRY PRICES

You may have heard that milk prices worldwide are rising at the
fastest rates ever. Unfortunately, prices for other dairy
products will be higher for the foreseeable future due to :
  • An increased worldwide demand for milk
  • Higher transportation costs
  • Increased corn prices (the primary dairy cattle feed) because of the growth of the ethanol industry

Here is the notice that can now be found next to the jugs of milk in some grocery stores in the Boston area. If the price of milk by-products is still relatively stable, consumers now have to pay almost 4$ to buy a gallon of milk, which represents a 92 cents increase in comparison with last year.

It is undoubtedly a bad news for milk, cheese and other pizza addicts, but this notice is probably a very accurate insight of the life we will have in a warmer world. According to the Northeast Climate Impacts Assessment Synthesis Team, milk production in the Northeast (but also in the rest of the United States) is likely to be strongly impacted by warmer summers, as ruminants are highly sensitive to temperatures above 24°C (75°F). As summers get warmer, it will become more and more necessary to invest large amounts of money into new cooling capacities to ensure a stable production. Of course, such investments are more than likely to have an impact on milk prices...

But milk production will also be negatively impacted in other parts of the world. The current increase of prices is partly due to the catastrophic drought currently experienced by the traditional suppliers of Asia's growing thirst for dairy products, Australia and New Zealand. Such production shortenings are likely to become common sight in the future.

Finally, milk prices are impacted by the fact that the percentage of the American corn crop used for the ever-increasing ethanol production has been rising sharply from 12% in 2004 to 20% in 2006, according to the American Coalition for Ethanol. No wonder then that milk prices are soaring! We probably better have to get used to black coffee... in our new warmer world.

Special thanks to Lucas Guillet and Claire Notin for the well-documented report on climate change and agriculture in the United States.

Photo :
www.mothercow.org/oxen/got-milk.html

mercredi 18 juillet 2007

Petite histoire de l'effet de serre (2)

Reprenons la saga de l'effet de serre là où nous l'avons laissée, en 1903.

Au moment où le prix Nobel Svante Arrhenius prend conscience de la capacité humaine à modifier le climat (ce qu'il voit d'ailleurs comme une bonne chose pour l'agriculture des pays nordiques, donc pour l'humanité dans son ensemble...), la théorie qu'il a contribué à développer tombe soudainement en défaveur.

Ce brusque désintérêt est lié au développement dans les premières années du 20ème siècle de la spectrométrie. La jeune discipline, encore mal maîtrisée, fournit rapidement des résultats qui vont amener la communauté scientifique à conclure que l'impact potentiel du CO2 sur le climat est négligeable. Les interrogations du siècle précédent sont alors rejetées aux oubliettes.

Les doutes solitaires de Callendar

Pendant près de cinq décennies, la seule personne qui continue à s'intéresser au CO2 est un obscur ingénieur britannique, Guy Stewart Callendar. Seul contre tous, il va consacrer ses nuits à démontrer que les émissions croissantes de carbone dans l'atmosphère ont non seulement un impact sur le climat, mais que cet impact est déjà visible.

En 1938, Callendar estime ainsi, lors d'une présentation donnée devant la Royal Meteorology Society, que la concentration moyenne de CO2 dans l'atmosphère a augmenté de 6% depuis le début du siècle. Il observe également un léger réchauffement moyen au cours des 50 années précédentes et lie les deux phénomènes.

De façon assez prévisible, ces réflexions solitaires sont accueillies avec un intérêt plus que modéré. Comme le reste de l'Europe, la Grande Bretagne est alors confrontée à des questions plus urgentes qu'une incertaine élévation de la température mondiale, surtout si cette élévation, comme le pense Callendar, est vouée à avoir des conséquences positives pour le monde, centré comme il se doit sur la Grande Bretagne...

De la guerre froide...

Mais le CO2 n'a pas dit son dernier mot. Dans le contexte politique de la guerre froide, le réchauffement climatique va en effet revenir de façon plutôt paradoxale sur le devant de la scène, porté par la recherche militaire.

Dans les années 50, l'armée américaine investit de vastes sommes dans la recherche sur les rayons infra-rouges, dont les propriétés (en particulier l'intéressante capacité à être émis jour comme nuit par les êtres vivants à sang chaud comme les humains) ouvrent des perspectives militaires inédites. Ces recherches, qui vont contribuer à révolutionner les techniques de guerre, vont aussi permettre de découvrir l'existence d'une fâcheuse erreur dans le fameux protocole expérimental qui a innocenté le CO2 quelques décennies auparavant : les pressions appliquées expérimentalement étaient en fait bien supérieures à celle observée dans l'atmosphère de notre planète... Dans les conditions atmosphériques terrestres, le CO2 est bel et bien un important gaz à effet de serre!

... au réchauffement planétaire

Cette découverte va déclencher l'intérêt d'un physicien américain, Gilbert Plass. Employé par l'armée américaine pour travailler sur les rayons infrarouges, Plass met à profit un congé sabbatique réalisé à l'Université du Michigan en 1954-55 pour créer un modèle climatique à l'aide d'une nouvelle invention, l'ordinateur. Il conclut de ce travail de pionnier que les variations de la concentration de CO2 atmosphérique peuvent expliquer les changements climatiques observés par le passé, en particulier les phases de glaciation et de déglaciation mise en évidence par Agassiz.

S'intéressant aussi à l'avenir, il prédit qu'avec le niveau d'émissions des années 50, la concentration de CO2 atmosphérique devrait augmenter de 30% par rapport au niveau préindustriel d'ici l'an 2000. En conséquence, il estime qu'un réchauffement moyen de la Terre de 1,1°C devrait être observé à la même date (en réalité, ce réchauffement sera de 0,6°C).

Le spleen de l'après-guerre?

Est-ce l'influence de la seconde guerre mondiale et en particulier du drame de Hiroshima, qui a contribué à ébranler la foi collective dans le progrès? Toujours est-il que Gilbert Plass envisage les conséquences d'un réchauffement climatique avec nettement moins d'optimisme que ses prédécesseurs. Convaincu que les hommes brûleront l'intégralité des ressources fossiles qui leur tomberont sous la main (pour l'instant, il faut bien reconnaitre que les évènements lui donnent raison), Plass observe que "l'accumulation de dioxide de carbone dans l'atmosphère est un problème très sérieux à l'échelle de quelques siècles."

Sérieux, le problème l'est effectivement devenu. Et en bien moins de temps que ce que Plass imaginait.

Première partie (19ème siècle) : Petite histoire de l'effet de serre (1)
Troisième partie (l'après 1955) : Petite histoire de l'effet de serre (3)

Données historiques : Thin Ice de Mark Bowen
Photo 1 : http://en.wikipedia.org/wiki/Infrared
Photo 2 : Le physicien américain Gilbert Plass, http://photos.aip.org/history/Thumbnails/plass_gilbert_a1.jpg

lundi 16 juillet 2007

Infatigable Al Gore

Décidément, on ne l'arrête plus! L'émotion médiatique suscitée par la série de concerts Live Earth est à peine retombée qu'Al Gore annonce le lancement d'un concours de publicité.

Le concours consiste à produire un spot de 15, 30 ou 60 secondes expliquant le phénomène du réchauffement climatique et incitant à demander une action pour le résoudre. Selon les informations exclusives du New York Times, il s'adresse à toute personne ayant des talents particuliers avec une caméra ou un logiciel de production de film (ne vous réjouissez pas trop vite, cette description nébuleuse inclut aussi les agences de publicité...). Les 20 meilleurs spots seront sélectionnés par une équipe très glamour qui inclut entre autres Cameron Diaz, Orlando Blum et Georges Clooney... Les détails du concours sont .

Avec cette action, Al Gore révèle une nouvelle facette de sa personnalité : son sens de l'humour caché. Le gagnant de ce grand projet se verra en effet offrir un magnifique véhicule utilitaire Toyota Highlander hybride (j'imagine que tout est dans la nuance), qui lui offrira l'oportunité rare de parcourir s'il le souhaite les vastes avenues de New York City... à plus de plus de 9 litres aux 100 km.

vendredi 13 juillet 2007

The new climate awareness of America

They are unanimous : during the last 18 months, the United States have been experiencing a rising interest in the global warming issue. From coast to coast, all the people I have so far been talking to have perceived the unprecedented "climate revolution".

A new awareness that finally buries the scientific debate

Recent polls confirm this rise of awareness. According to the Pew Research Center, 38% of the Americans now rank the global warming issue as a top priority, a number 14% higher than in 2002. Although the problem is still not seen as an emergency by the majority of the American population, it seems at least that the long-lived scientific debate is finally over : in January 2007, 77% of the Americans thought that climate change was indeed real, an increase of 7% since June 2006.

The impact of a hurricane...

But what did trigger this change of public opinion? It seems that causes are numerous. According to Annie Strickler, communication director of ICLEI USA, an association that helps local governments implement measures to reduce their emissions, the recent climate awareness started with the hurricane Katrina. However, local climatic events (drought, lack of snow) and the recent Democrat majority in Congress also made a deep impression on people.

... and a movie

For many Americans, Al Gore's famous documentary An Inconvenient Truth also plaid an important role in the public opinion reversal. "With his movie, Al Gore managed to turn the public's attention to a very complex issue", says Dr. Stephen Nodvin. Thus, the climate change problem became a matter of interest for other people than the traditional intellectual elite who had been familiar with the subject for years. And as a proof of its success, Al Gore recently demonstrated again the power of the entertaining formula by organizing the Live Earth concerts series.

Nevertheless, according to Anthony Leiserowitz, director of the Yale project on climate change, who was recently interviewed by the National Public Radio during its Climate Connections series, Gore's impact on public opinion is probably overestimated. In his opinion, people who actually watched and liked the movie were often Democrats, traditionally more aware of environmental issues. Katrina's impact was probably more determining.

A new scandal story full of economic opportunities

Finally, according to the science journalist Chris Mooney, who had a thorough look into the question, public attention was also caught by the impressive rise of media interest displayed since Katrina's disaster. Mooney indicates that not only did the coverage of the issue increase dramatically, but the subject has also been entirely reframed.

While global warming was for a long time only discussed on the so-called scientific debate point of view, it suddenly became scandalous subject. As journalists were telling the stories of the various scandals related to the Iraq war, they unfortunately discovered the intimidation methods and the scientific information distortion that were used by the Bush administration. All this clumsiness made the uncertainty thesis more difficult to sell and journalists started writing about personal stories and big economic opportunities.

A long-lasting impact?

In a world where information ought to follow an ever faster pace, can such an interest last? For Anthony Leiserowitz, this is not certain. It is then even more necessary to use this opportunity window to implement courageous national policies.

Version française : Le grand réveil de la conscience américaine

Caricature 1: http://www.brutallyhonest.org/brutally_honest/images/2007/03/15/051206winterblunderx.gif
Caricature 2: Dan Perjovschi, What Happened to US?, MOMA exhibition

jeudi 12 juillet 2007

Le grand réveil de la conscience américaine


Ils sont unanimes : depuis environ 18 mois, les Etats-Unis connaissent un fantastique renversement d'opinions sur la question du changement climatique. De la côte est à la côte ouest, la "révolution climatique" a été perçue par toutes les personnes avec qui je me suis entretenu jusqu'à présent.

Une prise de conscience qui enterre (enfin!) le supposé débat scientifique

Les sondages effectués ces derniers mois confirment cette tendance. D'après le Pew Research Center, 38% des Américains considèrent aujourd'hui le changement climatique comme une priorité absolue, soit 14% de plus qu'en 2002. Si le problème n'est pas encore considéré comme une urgence par la majorité de la population, le débat scientifique sur le sujet est bel et bien enterré : en janvier 2007, 77% des Américains pensaient que le réchauffement climatique était réel, soit presque 10% de plus qu'en juin 2006.

L'impact d'un ouragan...

Les causes de ce changement d'opinions? Elles semblent être multiples. Pour Annie Strickler, directrice de la communication d'ICLEI USA, une association qui aide les gouvernements locaux à mettre en place des mesures de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, la prise de conscience climatique a débuté avec l'ouragan Katrina qui a si durement frappé la Nouvelle Orléans en 2005. La catastrophe n'est toutefois pas la seule cause de la nouvelle sensiblité américaine : les évènements climatiques locaux (manque de neige, sécheresse), ainsi que la nouvelle majorité Démocrate jouent également un rôle dans la prise de conscience collective.

... et d'un documentaire

Pour beaucoup d'Américains, le film-sensation d'Al Gore a également une part de responsabilité. Comme le fait remarquer le Dr. Stephen Nodvin, "Gore est parvenu grâce à son film à attirer l'attention d'un public de plus en plus difficile à intéresser." An Inconvenient Truth aurait ainsi permis de sortir la question climatique des cercles intellectuels où elle était traditionnellement confinée pour en faire une préoccupation de M. Tout le Monde. Prouvant qu'il a fait sienne la maxime selon laquelle l'on ne change pas une formule qui gagne, Gore vient d'ailleurs de renouveller sa recette du divertissement grand public avec la soirée de concerts mondiaux Live Earth du 7 juillet (bien que je constate que "le monde" concerné se concentre quand même un peu toujours sur les mêmes : sur 8 concerts, 4 ont eu lieu dans des villes anglophones...)

Selon Anthony Leiserowitz, directeur du projet sur le changement climatique de la (très) prestigieuse université de Yale et interviewé récemment par la National Public Radio dans le cadre de sa série Climate Connections, l'impact de l'action de Gore est toutefois surestimé. Selon lui, les gens qui ont aimé (et qui sont allés voir) son film sont des Démocrates, traditionnellement déjà sensibilisés à la question. Pour lui, l'impact de Katrina sur l'imaginaire collectif est nettement plus important.

Un sujet à scandales qui regorge d'opportunités économiques

Enfin, selon le journaliste scientifique Chris Mooney, qui s'est longuement penché sur la question, l'attention du public a aussi été attirée par une forte hausse de l'intérêt des médias pour le phénomène, en bonne partie suite à l'ouragan Katrina. Mooney cite non seulement une augmentation considérable de la couverture médiatique sur le sujet depuis quelques mois (ce que n'importe quelle personne consultant régulièrement des journaux américains pourra confirmer sans difficulté), mais également un changement substantiel de l'angle sous lequel il est traité.

Le changement climatique, longtemps uniquement abordé sous l'angle du supposé débat scientifique, est en effet devenu un sujet à scandales. Alors que les journalistes déterraient un à un les divers mensonges de l'administration Bush dans le cadre de la guerre en Irak, ils ont également (bien mal à propos) mis le doigt sur les tentatives d'intimidation des scientifiques et de dissimulation des faits pratiquées par le gouvernement... Face à toutes ces maladresses, la grande thèse de l'incertitude face au changement climatique a perdu quelque peu de son éclat. Les médias ont donc préféré s'emparer des petites histoires et des grandes opportunités économiques dont le sujet regorge.

Un intérêt passager ?

Dans un monde où l'information est instantanée, un tel engouement peut-il toutefois durer? Selon Anthony Leiserowitz, rien n'est moins sûr. Il est donc plus que temps de profiter de cette période de grâce pour mettre en place des politiques nationales courageuses...

English Version: The new climate awareness of America

Photo 1 : http://images.businessweek.com/ss/07/03/0329_pupilpower_timeline/source/8.htm
Photo 2: http://images.businessweek.com/mz/04/33/0433covdc.gif

mardi 10 juillet 2007

Biocarburants : le miracle du biodiesel?

La grande séduction des biocarburants

Ils sont à la mode et le public y croit (1) : grâce à eux, les grands problèmes américains de dépendance énergétique et de changement climatique vont enfin trouver un début de solution. En cette période de grande réflexion nationale sur les alternatives possibles au pétrole, l'avenir s'annonce rose pour les biocarburants.

Les premiers à s'en féliciter sont bien évidemment les producteurs de maïs américains. Selon l'American Coalition for Ethanol, ils ont fourni en 2006 la presque totalité des 5 milliards de gallons (3) d'éthanol (2) produits nationalement, une quantité qui a permis d'assurer la vente d'un mélange essence-éthanol dans 46% des stations services américaines.

Biodiesel : côté clair...

Mais malgré sa suprématie incontestable, l'éthanol n'est pas la seule forme de biocarburants qui bénéficie actuellement d'une conjoncture extrêmement favorable. D'après la National Biodiesel Board, les biodiesels (biocarburants faits à partir d'huile végétale) ont également le vent en poupe : leur production n'atteignait certes qu'un modeste 250 millions de gallons l'année dernière, mais elle a tout de même été multipliée par 10 entre 2004 et 2006 sous l'effet d'une subvention fédérale de 1$ pour tout gallon de biodiesel mélangé au diesel américain!

Si j'en crois un article publié début juin dans la prestigieuse revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences, la générosité de cette subvention _ le double de celle obtenue pour la production d'un gallon d'éthanol _ est plutôt bien pensée, car les biodiesels présentent des avantages comparatifs élevés par rapport à l'éthanol. Alors que l'éthanol offre par exemple un gain d'énergie de 25% par rapport à celle investie initialement dans sa production, le gain énergétique des biodiesels est de 93%. Par ailleurs, les cultures utilisées pour la production de biodiesels (aux Etats-Unis, il s'agit en général de soja) nécessitent le relâchage d'une quantité nettement inférieure de pesticides et d'engrais dans l'environnement.

... et côté obscur

Les biodiesels seraient-ils donc l'alternative idéale au pétrole? Pas vraiment. Pour commencer, ils ne sont pas plus que l'éthanol capables de remplacer les carburants fossiles. Qu'on en juge : si l'ensemble du maïs et du soja américains étaient utilisés uniquement pour produire des biocarburants (ce qui implique malheureusement que tous les Américains deviennent végétariens, hypothèse plutôt improbable), ils ne fourniraient que 12% des besoins actuels en essence et que 6% des besoins en diesel. Sachant que lesdits besoins augmentent chaque année, on comprendra facilement que l'on est plutôt loin du compte...

Un récent article du Christian Science Monitor met par ailleurs en lumière une conséquence imprévue de la généreuse subvention accordée par le gouvernement fédéral. L'histoire commence à l'automne 2006, avec un commerçant lambda spécialisé dans le négoce des biocarburants. Parfaitement à l'aise avec les cours mondiaux de ces produits, il décide d'importer de Malaisie une cargaison de 9 millions de gallons de biodiesel, produits à partir de l'huile de palme (elle même produite au détriment des dernières forêts tropicales de la région). La cargaison est envoyée à Houston, Texas, où après avoir été mélangée à 9 000 gallons de pétrodiesel, elle devient éligible pour la subvention fédérale. Le commerçant empoche donc 9 millions de dollars pour son opération. Mais le gain peut encore être augmenté avec un peu d'astuce : au lieu de vendre le mélange obtenu sur le marché américain, notre commerçant (pas si bête, décidément) choisit de profiter des prix plus élevés offerts par le marché européen et envoie l'ensemble de sa cargaison à Rotterdam. Et voilà comment une cargaison de biodiesel tropical se retrouve dispersée dans les stations-services européennes, grâce à l'argent du contribuable américain...

Entre pressions agricoles et environnementales

D'après le Christian Science Monitor, cette pratique reste encore marginale, mais risque de faire beaucoup d'émules si rien n'est fait pour y remédier. Ce n'est pas le lobby agricole qui y poussera, car il bénéficie grâce à ce système d'un intéressant avantage compétitif sur le marché international. Il reste donc à souhaiter que le pouvoir législatif saura réaliser à temps que la généralisation d'une telle pratique annule passablement le bénéfice environnemental de cette alternative, qui si elle n'est pas miraculeuse, n'en reste pas moins intéressante.

(1) Selon un sondage réalisé en janvier 2007 par l'United Press International, la majorité des Américains pensent que les biocarburants sont les remplaçants les plus probables des carburants fossiles.
(2) Ethanol : biocarburant produit à partir de sucre ou d'amidon.
(3) C'est peu pratique, mais il faut faire avec : les Américains ne fonctionnent toujours pas avec le système métrique. Je m'excuse donc de vous annoncer qu'un gallon représente 3,785 litres (moins quelques décimales)...

Sources :
J. Hill et al. Environmental, economic and energetic costs and benefits of biodiesel and ethanol biofuels. Proceedings of the National Academy of Sciences, June 2, 2007.
Photo : http://www.dervaesinstitute.org/presskit/pressphotos/biodiesel.jpg

jeudi 5 juillet 2007

Petite histoire de l'effet de serre (1)

A force d'entendre des débats contradictoires sur la réalité du réchauffement climatique, on finit presque par en oublier que le phénomène de l'effet de serre est étudié depuis plus de cent ans par les scientifiques et que la possibilité d'un impact humain sur le climat était déjà évoquée à la fin du 19ème siècle. Historique...

L'intuition de Fourier

C'est Joseph Fourier, mathématicien et physicien français (et également préfet de l'Isère _on le saura!) qui émet le premier en 1824 l'hypothèse que la "chaleur obscure" émise par la Terre rencontre plus de résistance lors de sa traversée de l'atmosphère que la chaleur lumineuse émise par le Soleil. En conséquence, la Terre aurait tendance à accumuler de la chaleur. Le raisonnement, bien que prometteur, se heurte cependant à l'imprécision des connaissances de l'époque sur la lumière et Fourier admet être incapable de fournir un modèle mathématique pour expliquer son intuition.

De l'alpinisme à l'effet de serre

Ce n'est qu'une trentaine d'années plus tard que son hypothèse sera étudiée plus en détail par un jeune physicien irlandais passionné de montagnes, John Tyndall.

Tyndall attrape probablement le virus de l'alpinisme lors d'une visite de la Suisse en 1856. Dans les années qui suivront, il fera trois fois l'ascension du Mont Blanc et passera même une nuit au sommet avec une vingtaine de thermomètres (qui ne résisteront pas à l'expérience). Il fera ensuite en 1858 l'ascension en solitaire du Mont Rose (4634 m), et gravira le Weisshorn (4506 m) en 1861 et le Mont Cervin (4478 m) en 1865.

Son amour de la montagne l'amènera tout naturellement à s'intéresser à la météorologie. En 1859, il présente ainsi devant la Royal Society les résultats d'une expérience qui montrent que la "lumière obscure" (les rayonnements infrarouges modernes) est absorbée de façon variée par les différents gaz atmosphériques. Tyndall observe que la vapeur d'eau est le gaz à effet de serre le plus puissant et place en seconde position le dioxide de carbone (C02). Fort de ces observations, il suggère que les périodes de glaciation mises en évidence par le zoologiste suisse Louis Agassiz dans les années 1830 sont liées à des variations dans les concentrations atmosphériques de ces deux composés. Son intuition tombe plutôt juste : on pense aujourd'hui que les phases de glaciation et de déglaciation du Pléiostène sont effectivement liées à des variations des concentrations atmosphériques de la vapeur d'eau et du CO2, même si l'on s'interroge encore sur le phénomène qui a déclenché ces variations.

Tyndall meurt brusquement en 1893, lorsque sa jeune femme lui donne par erreur de l'hydrate de chloral à la place d'une cuillère à thé de magnésium. Au moment de cette tragédie, les connaissances accumulées dans le domaine de la thermodynamique ouvrent la voie au travail d'un chimiste suèdois, Svante Arrhenius, auteur de la première théorie complète sur l'effet de serre.

Les prédictions d'Arrhenius

Arrhenius est depuis toujours passionné par les mathématiques. Fils d'un géomètre de la région d'Uppsala, il apprend à lire par ses propres moyens à l'âge de 3 ans et s'intéresse très jeune à l'arithmétique, qu'il découvre en regardant son père effectuer des additions. Cet intérêt se retrouve dans le traité de 29 pages sur l'effet de serre, qu'il présente en 1896 au London, Edinburgh and Dublin Philosophical Magazine, et dans lequel il reprend 10 000 à 100 000 calculs qu'il a effectués. Dans l''une des sections de son traité, intitulée Calcul de la Variation de Température qui suivrait une Variation donnée du Dioxide de Carbone de l'Air, Arrhenius estime que le réchauffement climatique moyen qui serait obtenu dans le cas d'un doublement de la concentration de CO2 dans l'atmosphère serait de l'ordre de 5 à 6°C. Rétrospectivement, cette estimation est remarquablement proche des prédictions actuelles, qui sont plutôt de l'ordre de 2 à 4,5°C.

Dans un premier temps, Arrhenius porte la responsabilité potentielle des éventuelles variations de la concentration en CO2 sur les éruptions volcaniques. Mais face à la quantité toujours croissante de charbon brûlé par les premières usines de la Révolution Industrielle, il émet en 1903 l'hypothèse que les activités humaines pourraient elles-aussi influencer la concentration atmosphérique de CO2. "Au rythme actuel, écrit-il, il faudra environ 3000 ans pour doubler le niveau de CO2 atmosphérique". Cette fois, Arrhenius se trompe lourdement. Au rythme que nous connaissons aujourd'hui, nous devrions en fait atteindre ce doublement au cours du 21ème siècle, soit moins de 200 ans après les prédictions du chimiste suèdois.

La suite de la saga, de 1903 à 1955 : Petite histoire de l'effet de serre (2)

Sources :

Données historiques : Thin Ice, de Mark Bowen
Photo 1 : Joseph Fourier (désolée pour sa tête applatie) http://physics.mtsu.edu/~wmr/fourier.jpeg
Photo 2 : vous l'avez reconnu, c'est bien sûr John Tyndall
http://www.timbercon.com/History-of-Fiber-Optics/John-Tyndall-Physicist-Big.jpg
Photo 3 : Svante Arrhenius, prix Nobel de Chimie http://www.su.se/content/1/c4/35/74/Arrhenius-1903webb.jpg

mercredi 4 juillet 2007

California: only words?

Surprising departures from the California Air Resources Board

As I was having a quick look at the Los Angeles Times yesterday, I stumbled across two highly intriguing articles, reporting the almost simultaneous departures of two top officials of the California Air Ressources Board.

I would probably not have found the story appealing if it hadn't been for the fact that it seemed to involve a deep rooted conflict between the top officials of an agency in charge of monitoring and regulating greenhouse gases emissions in California and the now famous Governor who succeeded in making the issue one of the Golden State's top priorities.

The impressive leadership of California

As anyone in America, I have of course heard quite a lot about California during the last months. I followed the legal battle opposing the Environmental Protection Agency and the States in favor of a regulation of cars greenhouse gases emissions, where California, as the first State to implement such a regulation in 2002, was quite naturally under the spotlights. I also read about the Global Warming Solutions Act, effective since January 2007, that aims to reduce Californian emissions to the 1990 level by 2020. I finally heard of local initiatives, like the ban on plastic bags adopted by the city of San Francisco at the beginning of the year. As a whole, I concluded that California was probably the leader of climate change actions in America.

Could it have been only a public relations campaign?

But I now start wondering whether these climate actions should not be seen for an important part of them as a big public relations coup. Until now, most of Governor Schwarzenegger's actions have indeed been focused on driving the spotlights on the (revolutionary) steps taken by the State to deal with climate change. However, most of them still remain quite academic. And his recent conflict with the top officials of the Air Resources Board seems to indicate that the concrete step is not necessarily going to be an easy one.

Robert Sawyer, former head of the Board, said that he had been fired by Schwarzenegger after having pushed for more aggressive actions to curb greenhouse gases emissions. The Governor's administration officials replied that he had actually been fired for not being tough enough. This version could have been believed if it wasn't for the departure of the Board executive director, Catherine Witherspoon, less than a week later, saying that she resigned because the very same administration was pressuring her and her staff to soften the regulation measures planned for the construction industry.

Knowing that the construction industry offered millions of dollars to the Governor during his electoral campaign, one will easily understand that Schwarzenegger might be keen to ensure that regulations don't get too tough for these precious allies. Let's see during the next months whether the actions announced by the Californian Governor are indeed real.

mardi 3 juillet 2007

Consommation énergétique d'un 4x4 américain : enfin des chiffres!

Ce week-end, Nicolas et moi sommes allés au festival de jazz à Montréal.

Bus ou voiture?

Nous avons longuement réfléchi au cours des dernières semaines à la façon dont nous allions parcourir les 500 kms qui nous sépare du Québec. Après avoir comparé le coût d'un trajet en bus Greyhound (146$ par personne et 7 heures de trajet) et les tarifs proposés par les différentes agences de location de voiture (140$ pour 3 jours), nous avons opté, par égard pour notre portefeuille, pour la location.

A notre arrivée dans les locaux de l'agence, nous avons appris que la voiture que nous avions réservée, un modèle compact, la Chevrolet Aveo, n'était plus disponible. Cela ne devait toutefois pas nous inquiéter, nous a expliqué un employé : on allait nous offrir à la place un "petit 4x4". A son expression enthousiaste, nous avons compris qu'il s'agissait là d'un beau cadeau, qui méritait certainement une prime pour le service à la clientèle. Mais son sourire s'est figé quand il a constaté notre manque d'enthousiasme. Il a tenté tant bien que mal de répondre à nos questions soupçonneuses concernant la consommation d'essence du modèle en question, nous a expliqué que la voiture était "bien plus amusante à conduire" et en désespoir de cause, a fini par nous signifier que de toute façon, c'était ça ou rien.

Voilà donc comment nous nous sommes retrouvés avec "ça", une Ford Escape qui n'avait rien de petit, surtout pas sa consommation de carburant.


Nous avons en effet consommé 122 litres d'essence, pour 1000 kms parcourus quasiment uniquement sur autoroute, ce qui représente une consommation moyenne de 12 litres aux 100 kms et équivaut, après vérification sur le calculateur à carbone d'ICLEI, à l'émission de 150 kg par personne de CO2 dans l'atmosphère (soit un peu moins d'1/3 des émissions annuelles d'un Chinois). Le même trajet effectué dans une petite voiture européenne aurait divisé par deux notre facture d'essence et nos émissions de CO2.

Les sombres lendemains du 4x4

Comme 98% des 4x4, notre voiture n'a pas quitté l'asphalte. Et comme la majorité des conducteurs de 4x4, nous aurions très bien pu nous contenter d'une voiture compacte de type européen. Si la proposition de loi adoptée par le Sénat il y a deux semaines est validée, l'âge d'or du 4x4 risque d'ailleurs fort d'être menacé : comme le font remarquer les constructeurs automobiles, il est difficile de faire passer l'efficacité énergétique d'un véhicule de 12 litres aux 100 kms à 8 litres aux 100 kms sans en diminuer la taille. Serait-ce donc déjà la fin de "l'amusement au volant"?

Source photo : Sophie